Economie et société - Les clés pour comprendre l'actualité

La Grèce, catalyseur de nos erreurs

10 Juillet 2015
Daniel Gerino
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Comment un petit pays comme la Grèce peut-il provoquer autant de troubles en Europe tant sur le plan politique que sur le plan économique et monétaire ? Son importance dans la zone euro est assez marginale puisqu’il en représente à peine 1,5 % du PIB. Et pourtant ce petit pays au passé glorieux fait trembler les  institutions européennes et vaciller les marchés financiers. En effet l’arrivée au pouvoir de partis coalisés extrémistes a provoqué des réactions en chaîne dans la sphère politique, menaçant les fondements de  la construction européenne.

Le bon emploi de l’argent injecté n’a pas été contrôlé

Il est dit aujourd’hui que la Grèce ne remplissait pas les critères minimum requis pour intégrer la zone euro. Ses comptes « truqués » n’ont pas été décelés à temps ou pire nous avons fait semblant de ne pas les voir. La découverte du pot aux roses 3 ans après son entrée aurait dû alerter et faire réagir la commission européenne. Elle n’avait d’ailleurs pas été sollicitée par les grecs mais par la France et plus particulièrement Valerie Giscard d’Estaing (lequel en demandait la sortie il y a quelques jours !). A cette époque la productivité extrêmement faible des grecs couplée à des niveaux de rémunération trop élevée, en faisait pourtant de futurs candidats malheureux et assistés de l’Europe.
 
Le bloc européen, au nom de  la convergence, a injecté des sommes considérables sous forme d’emprunts copieusement souscrits par la sphère publique et privée de l’espace européen. Le ratio Dettes /PIB s’est dégradé pour atteindre 177 % du PIB. Mais qu’a-t-on font pour vérifier le bon emploi de cet argent ? Hélas  rien... Les grecs ont profité d’un  système financier européen sans contrôle ni en amont ni en aval.

Qu’ont-ils entrepris pour moderniser leur économie, diversifier leurs secteurs d’activité, réformer le système des retraites outrageusement plus généreux que le plus riche des pays européens ? Rien ! Car ils se sont laissé bercer  par les  délices de la pseudo-convergence européenne déversant des montagnes d’euros peu couteux, la seule convergence qui ait fonctionné ayant été celle des taux d’intérêt créant artificiellement une illusion monétaire qui se révéla être un poison pour l’Europe et la Grèce.
Résultat : une première déflagration en Avril 2010 secoue les marchés financiers  provoquant une première prise de conscience de l’ampleur des dégâts. A cette époque les créanciers privés ont mis la main à la poche avec un «   hair cut  » de 50 % de leur créance sur la Grèce.

Une tentative de mutualisation du risque

La question de la soutenabilité de cette énorme dette pour un aussi petit pays se  posait. Une tentative de mutualisation du risque de défaut de la dette grecque (moyennant des réformes  de structure du pays) au niveau européen avait été proposée sans succès. L’Allemagne s’est en effet fermement opposée à contre garantir l’équivalent de 35 Mds €, pour se retrouver quelques mois plus tard créancière de 720 Mds € vis-à-vis des pays périphériques et donc de la Grèce au sein du mécanisme TARGET 2.

Entre temps la contagion a gagné l’ensemble des pays du sud de l’Europe les contraignant à emprunter sur les marchés à vil prix. Cet énorme surcoût aurait sans doute pu être épargné à ces pays déjà fragilisés par des conditions macroéconomiques fortement dégradées. 
Pourtant, à cette époque, le gouvernement grec en place  était bien plus coopératif.  Si la France avait été moins docile vis-à-vis de l’Allemagne, nous aurions davantage progressé dans les négociations avec les grecs, pour arriver à un accord plus satisfaisant que celui que nous finirons par obtenir.  Nous avons  ainsi loupé cette occasion.

Pour s’en convaincre regardons les avancées réalisées par ce pays en 2014. Le déficit budgétaire proche de 14 % en 2008 a été ramené à  moins de  3,80 % en 2014 soit un score meilleur que la France. La balance des paiements courants en déficit de 15 % en 2008 est devenue excédentaire de 1% en 2014 !

Que peut-il se passer à présent ?

Mais en six mois, le gouvernement d’Alexis Tsipras aura détruit toutes les avancées et les efforts consentis par le peuple Grec. Alors que le gouvernement Grec, fort de cette faiblesse européenne, pratique le chantage, souffle le chaud et le froid, décrédibilise l’espace européen aux yeux du  monde et menace de se jeter dans les bras des russes ou des chinois.

Dans  le même temps, l’Europe montre son incapacité à dégager la moindre stratégie, la moindre ébauche de perspective et se laisse dériver dans une vision germanique de notre continent, qui consiste à n’en faire qu’un ensemble de petites Allemagnes. Le sens est dans la différence et l’Europe grâce à ses cultures, ses savoir-faire différents et complémentaires dispose d’une force considérable pour aborder l’avenir. Que peut-il se passer à présent ? Comment les Grecs peuvent-ils se sortira de ce mauvais pas ? Ont-ils intérêt à sortir de l’euro en abandonnant leurs créanciers à leur triste sort ? La réponse est non sur le plan financier et non sur le plan Politique.

Une nouvelle monnaie fortement dévaluée

Sur le plan financier, un défaut de la Grèce soulagerait considérablement  le budget de l’Etat, le contraindrait à une sortie de la zone euro donc de l’euro et au passage à une nouvelle monnaie qui ne manquerait pas d’être très fortement dévaluée. La Grèce serait  ainsi contrainte de  « s’autofinancer » car le recours aux capitaux extérieurs lui serait pour longtemps impossible. Le passage à une monnaie fortement dévaluée pourrait rendre cette économie plus compétitive mais encore faut-il qu’elle dispose d’une économie exportatrice ce qui n’est pas le cas !

En contrepartie, le prix des produits importés s’en ressentirait et réduirait encore plus le pouvoir d’achat des Grecs. Cela signifie en clair que la Grèce ferait cavalier seul, ne pouvant que compter sur elle-même. Ainsi l’équilibre des finances publiques est impératif, la balance des soldes courants ne pouvant plus être déficitaire. Un grand saut dans le vide !


Dans son histoire lointaine, la Grèce a eu à faire face à ces mêmes difficultés. Ainsi Solon porté au pouvoir en 594 avant Jésus Christ avait mis en place des réformes appelées « seïsachteia », signifiant allègement, visant à pratiquer un « hair cut » sur la dette grecque.
Les responsabilités sont particulièrement bien partagées entre une Union Européenne, tatillonne dans la mise en œuvre de ses multiples règlementations et aveugle face à d’aussi graves tricheries, et une Grèce bien incapable de se réformer et coupable d’avoir dilapidé les sommes considérables reçues, pour des dépenses court-termistes négligeant les dépenses d’avenir et l’investissement productif facteur d’emploi et de prospérité pour son peuple.

Jouer la carte de la négociation

Cette double responsabilité appuyée par un comportement très « comptable » de l’Allemagne imposant le néant à un pays exsangue, renforce les chances d’un compromis. Sans doute Tsipras fait-il durer la situation afin de retarder les demandes de hausse de TVA au secteur hôtelier, gagnant ainsi quelques jours en pleine saison touristique, mais surtout cherche-t-il à montrer au peuple qui l’a élu et plébiscité lors du référendum sa détermination face à la Troïka. Cependant toutes ces conférences, réunions et échanges internationaux finissent par couter chers  au contribuable européen, qui se lasse de cet interminable feuilleton.

Le peuple grec après s’être « lâché » sur le référendum va clairement jouer la carte de la négociation, car après de nombreux efforts consentis sur le pouvoir d’achat, il se voit aujourd’hui privé de monnaie d’échange. La voie la plus probable est le maintien dans la zone euro, des aménagements sur les retraites, une hausse de la TVA qui sera dès l’année prochaine supportée par des non-résidents mais aussi  la mise en place d’un cadastre, la levée de l’impôt sur les grandes fortunes, le shipping et le clergé. En revanche le haircut sur la dette grecque doit être totalement oublié, seul le rééchelonnement sera acceptable et accepté. Le compromis est à portée de main et il est de l’intérêt de l’Union Européenne et de la Grèce. 


La vraie question reste l’avenir économique de la Grèce. Comment injecter non plus de l’argent mais des projets industriels et commerciaux ? Ne pourrions-nous pas aider ce pays en faisant le choix de remettre en cause certaines délocalisations, en revenant sur le continent européen plutôt que de s’envoler systématiquement à l’autre bout du monde ? Une vraie politique européenne est à construire car aujourd’hui elle fait cruellement défaut et nous en  payons aujourd’hui le prix fort.

Quelques chiffres sur la Grèce

PIB : 247 Mds $ Progression 2014 : 0,69%
Population : 11 millions d’habitants
Dettes totales : 316 Mds $ soit 177% du PIB
Rating S&P : CCC -  outlook : négatif
Taux de chômage : 26 %
Principaux Remboursements des dettes :
                2015 : 21 Mds€
                2017 : 9 Mds€
                2019 : 10 Mds€
                2042 : 64 Mds€

Des prix à la production en baisse permanente : -5%
Une inflation à -2%
Depuis décembre 2014 la masse monétaire M3 s’est contractée de 30 Mds €

A propos de l'auteur : Daniel Gerino est président et directeur d​e la gestion de Carlton Sélection. 



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