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Le Brésil, entre espoir et désespoir

9 Juin 2015
Daniel Gerino
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Comment un pays aussi richement doté par la nature en est-il arrivé à ce triste bilan économique ?



La nature y est généreuse mais l’homme ne sait pas l’exploiter rationnellement. « Au Brésil lorsque l’on creuse un trou, on trouve des minerais, du pétrole, de l’eau et de l’or. Et si on ne trouve rien on plante une graine et ça pousse ! » s’accordent à dire la plupart des observateurs. La population est jeune et nombreuse (202 millions d’habitants), capable de propulser le pays tout entier vers les sommets. Et pourtant il ne cesse de s’enfoncer dans les méandres de la corruption et de la récession. Le PIB est ainsi attendu en recul de 1% cette année, et le taux d’inflation, au-dessus des 8%, est au plus haut depuis plus d’une décennie. Dans ce contexte, la Banque centrale brésilienne vient de décider un nouveau resserrement monétaire (le sixième depuis octobre dernier), relevant son taux de référence, de 13,25 % à 13,75 %. Une politique qui n’est pour le moment pas parvenue à endiguer la chute du real.

Une bonne diversification de l’économie

En premier lieu, par la structure des échanges commerciaux du Brésil, qui repose principalement sur la Chine, son principal partenaire. Viennent ensuite les Etats-Unis, puis l’Argentine. Le ralentissement de la croissance chinoise et l’effondrement de l’économie Argentine ont ainsi précipité la chute de l’activité économique brésilienne. Et pourtant, malgré l’importance de ses ressources naturelles, le Brésil est plutôt bien diversifié en termes de secteurs d’activité. En effet, l’agriculture ne représente que 6% du PIB, l’industrie 27% et les services 67%.  

Cependant, le secteur industriel est lui-même fortement dépendant des matières premières, puisqu’il repose essentiellement sur l’exploitation des ressources minières, notamment fer et aluminium, et dispose également d’importantes réserves pétrolières. Les secteurs du textile, de l’aéronautique, de la pharmacie, de la sidérurgie et de l’automobile contribuent également à la diversification sectorielle du pays.

Une double malédiction

Mais les pays « clients » du Brésil font pâle figure et les marchés de prédilection sont trop corrélés aux commodités touchées de plein fouet par une crise de surproduction et une faible demande. Le résultat ne se fait pas attendre : fuite des capitaux, effondrement de la devise, hausse des taux, risque de dégradation du rating du pays et donc nécessité de réduire le poids de l’état providence dans l’économie brésilienne, entrainant une baisse du pouvoir d’achat avec comme corollaire une baisse généralisée de l’activité économique.

L’arrivée du nouveau gouvernement, renforcé par un ministre de l’économie compétent et déterminé à sortir le pays de l’ornière, est un espoir pour cette nation. Il est décidé à ne plus intervenir sur les devises pour soutenir le Réal, afin de préserver les réserves de changes et laisser l’ajustement se produire naturellement. Mais le bilan reste médiocre : Inflation à 7%, déficit public proche de 6%, taux court terme à 13,25%, balance des comptes courants à -4,20% du PIB représentant 91 milliards de dollars de déficit et balance des revenus déficitaire de 40 milliards de dollars. Et la balance brésilienne commence à gronder.

La balance des paiements est constituée essentiellement de deux postes : la balance des biens et des services (-91 milliards de dollars) majorée des flux de capitaux (+97 milliards). Le premier poste relève de l’activité propre du pays, le second des investisseurs internationaux plus volatiles et moins contrôlables. Le souci est que la balance des paiements n’est équilibrée que par les flux de capitaux, ce qui traduit l’état de dégradation du pays. En parallèle, la balance commerciale est  dans le rouge de 40 milliards de dollars pour la première fois depuis 13 ans et l’ambiance générale peu rassurante a également provoqué un retrait de capitaux de 40 milliards, dû aux rapatriements massifs de bénéfices et dividendes.

Ménages et entreprises, en perte de confiance

Alors comment sortir de l’impasse quand votre économie s’appuie sur trop peu de pays à l’export et sur quelques secteurs eux-mêmes dépendants de facteurs exogènes tels que la météo ? L’équation n’est pas simple mais elle est solutionnable, car le potentiel démographique, naturel et économique, même s’il est fragilisé aujourd’hui par une  diversification réelle mais encore insuffisante, ne doit pas être sous-estimé. En effet, les investisseurs « économiques », c’est-à-dire ceux qui s’implantent et apportent de l’emploi durable ne s’y trompent pas et continuent d’investir dans cette économie, car ils ont une vision long terme et comprennent bien les enjeux de demain.

Pour s’en convaincre, il faut observer que le montant des investissements directs étrangers dépasse les 40 milliards de dollars. Ceci est à nos yeux la preuve du potentiel de redéploiement d’un tel pays. Alors, si le moment opportun pour revenir sur le Brésil ne sera pas encore en vue au cours des 12 prochains mois, il semble se rapprocher. Le Brésil est à la croisée des chemins, entre les court-termistes qui se sauvent et les visionnaires qui comprennent bien l’intérêt économique qu’une telle nation représente,  sur un continent d’avenir et en pleine reconfiguration.


A propos de l'auteur : Daniel Gerino est président et directeur de la gestion de Carlton Sélection. stratégiste d'Intersélection. Il est également économiste et membre diplômé de l’Institut des Actuaires Français.



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