Soft landing ou hard landing de l’économie mondiale ?
Tout d’abord, tout porte à croire que la forte hausse des taux en 2022 va peser sur l’économie en 2023. Il est bon de rappeler qu’une hausse des taux ne produit pas d’effets immédiats, mais qu’il faut attendre 6 à 9 mois avant d’en sentir les premiers effets. A ce jour, la plupart des bulles ont explosé (actions, bonds, crypto et immobilier dans certains pays). L’effet « disparition de richesse » est terrible et, avec l’inflation, les consommateurs ont déjà modifié leurs habitudes pour privilégier l’essentiel au superflu. La force de l’emploi dans les pays développés, mais également de la fin de la politique zéro Covid en Chine, devraient permettre d’amortir le recul de la croissance mondiale. Cette dernière risque cependant de tomber légèrement dans le négatif sur un trimestre ou deux. Hélas, ce scénario est le plus délicat à gérer pour les banques centrales qui, de toute façon, privilégieront une récession à une résurgence de l’inflation. Le FMI et la Banque Mondiale prévoient déjà un ralentissement prononcé au premier trimestre.
Par ailleurs, les marchés estiment que l’inflation va rapidement retourner vers l’objectif de 2% des banques centrales. Depuis quelques mois, cette tendance tend à se confirmer à mesure que les excès de liquidité ont été sortis du marché. Si l’on part du postulat que l’inflation en viendrait à baisser rapidement, pourquoi devrait-elle s’arrêter à 2% et non à 0%, par exemple ? Pourtant, l’idée la plus probable serait que l’inflation mette plus de temps que prévu à chuter avant de se stabiliser. L’inflation, ça colle comme un vieux sparadrap. On a du mal à s’en débarrasser surtout si les anticipations long terme ne sont plus ancrées à 2%. De plus, certaines matières premières, notamment agricoles, sont bien reparties à la hausse depuis l’été.
Des taux hauts plus longtemps qu’anticipés
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Contrairement à ce qui se profile en ce début d’année avec un marché actions qui s’envole, les résultats des entreprises devraient subir une révision à la baisse ce qui devrait compenser la baisse des cours. Le rapport entre les prix et les résultats, appelé P/E ratio est une mesure de cherté. Les P/E ont nettement baissé en 2022, ils sont dorénavant revenus « à la moyenne ». Cependant, cette révision des résultats à la baisse risque de les faire remonter. De plus, avec la baisse de l’inflation, les marges des entreprises vont être sous pression, ce qui agitera les marchés actions. Les marchés émergents devraient, quant à eux, profiter de la reprise de l’activité en Chine.
L’attractivité des spreads de crédit des émetteurs de qualité
Du côté des obligations à haut rendement, dits « High Yield », les spreads sur ces derniers se sont déjà trop resserrés pour être encore attractifs et seront inévitablement vulnérables en cas de ralentissement économique. A contrario, les obligations Investment Grade ont plus de potentiel compte tenu de leur rendement brut proche de 4% qui en font une alternative intéressante aux obligations d’état.
La fragilité du dollar
Enfin, à mesure que l’on se rapproche de la fin de la hausse des taux le dollar devient de plus en plus vulnérable, et ce, alors que le mouvement de dédollarisation s’accélère. Le mouvement entamé en fin d’année devrait se poursuivre contre le Yen, en profitant du changement de politique monétaire de la banque du Japon.
Focus sur les risques potentiels
En conclusion, et face à ces prévisions, il est intéressant de présenter les potentiels risques sur chacun de ces scénarios :
- Risque 1 : Un rebond de l’inflation. Cette éventualité est possible si l’on se réfère à la tendance actuelle sur les matières premières et le difficile retour à la normal des chaînes d’approvisionnement et des échanges mondiaux ;
- Risque 2 : Un risque géopolitique avec, bien sûr, un enlisement et un durcissement potentiel du conflit en Ukraine, ou encore avec la détérioration des relations sino-américaines à propos de Taïwan ;
- Risque 3 : Une hausse trop importante des taux par les banques centrales, ce qui provoquerait un recul de la consommation et une récession plus sévère ;
- Risque 4 : Un dérapage au Japon à la suite de l’abandon du contrôle de la courbe des taux par la banque du Japon.
De nombreux scénarios sont donc à envisager. Hélas le contexte économique est encore trop flou pour permettre une meilleure lecture de ce qui pourrait être à anticiper. C’est pour cela qu’il est primordial de continuer à investir dans des portefeuilles diversifiés pour mitiger les risques et ne pas essayer de « timer » le marché. Il est également essentiel d’épargner régulièrement en gardant à l’esprit qu’investir comporte des risques qui s’atténuent normalement avec l’horizon de placement.
A propos de l'auteur : Philippe de Gouville est CEO et cofondateur d’ISMO.