Il y a quelques mois, une étude mettait en évidence la mauvaise opinion que les Français ont des centres de relation client, en particulier des centres offshore qui sont, selon eux, de plus en plus nombreux. Rares sont les commentateurs à avoir souligné que cette impression ne correspond pas du tout à la réalité : seuls 20% des effectifs des centres de relation client sont basés à l'étranger, notamment dans les pays du Maghreb et d'Afrique francophone.
L'équation compliquée de l'industrialisation de la relation client
Outre qu'elle est fausse, l'idée que la majorité des centres de contacts sont désormais dans des pays dits "à bas coûts" est tellement ancrée dans les esprits qu'elle cristallise des rancœurs qui n'ont en fait rien à voir avec le service objectivement rendu ou non par les centres de relation client, quelle que soit leur localisation. Dans un contexte de chômage massif, les Français détestent l'idée que des entreprises françaises ou opérant en France créent hors de France des emplois qui pourraient, toujours selon eux, être localisés dans l'Hexagone - et ce, même si depuis des années maints reportages à charge diffusés sur les chaines grand public entretiennent par ailleurs l'image d'une profession quasi esclavagiste, proposant uniquement des emplois au rabais et précaires ! Qui sait que 75 % des effectifs de la profession sont en CDI ?
Savoir où doivent être localisés les centres de relation client est un faux problème. Le cœur du sujet est que nous sommes passés en quinze ans d'une relation client de proximité, artisanale et diffuse, à une relation client à distance, multicanal et centralisée. Ainsi, dans chacune de ses agence France Télécom/Orange a longtemps eu au moins une personne chargée de la relation client et du SAV. De même, la DIAC - la financière de Renault - avait un représentant dans chaque concession directe. Aujourd'hui, dans un cas comme dans l'autre, ces conseillers et chargés de clientèle sont regroupés et travaillent à distance par téléphone, e-mail ou chat. La tension vient, d'une part, de la difficulté pour les entreprises de produire de manière industrielle une relation client artisanale, c'est-à-dire personnalisée, empathique et rassurante pour le consommateur et, d'autre part, d'un consommateur d'autant plus exigeant et impatient qu'on ne cesse de lui répéter qu'il est " roi ".
Comment s'étonner ensuite qu'il s'attende partout à un service d'exception 24h/24 et 7j/7, une réponse en 1 heure sur les réseaux sociaux et qu'il s'exaspère s'il doit patienter quelques minutes pour avoir un conseiller au téléphone ? Au stade où nous en sommes de l'industrialisation de la profession, il est clair que c'est d'abord à l'entreprise d'agir. Que sa relation client soit ou non externalisée, son premier défi est de gérer les pics de demandes, c'est-à-dire de dimensionner l'effectif de son/ses centre(s) de contacts sur la base de prévisions par essence difficile à établir. Le recours à des centres d'appels offshore est souvent la seule solution possible non seulement pour gérer les pics (journaliers, hebdomadaires et/ou saisonniers) mais aussi pour satisfaire les exigences croissantes des consommateurs en termes d'amplitude horaire, de réactivité et d'accessibilité permanente des services. Reconnaissons que sur ces points le Droit du travail français n'aide pas beaucoup les acteurs du secteur… Sur le travail après 20h et le week-end, des assouplissements s'imposent si on veut garder ou créer ces emplois en France.
Savoir où doivent être localisés les centres de relation client est un faux problème. Le cœur du sujet est que nous sommes passés en quinze ans d'une relation client de proximité, artisanale et diffuse, à une relation client à distance, multicanal et centralisée. Ainsi, dans chacune de ses agence France Télécom/Orange a longtemps eu au moins une personne chargée de la relation client et du SAV. De même, la DIAC - la financière de Renault - avait un représentant dans chaque concession directe. Aujourd'hui, dans un cas comme dans l'autre, ces conseillers et chargés de clientèle sont regroupés et travaillent à distance par téléphone, e-mail ou chat. La tension vient, d'une part, de la difficulté pour les entreprises de produire de manière industrielle une relation client artisanale, c'est-à-dire personnalisée, empathique et rassurante pour le consommateur et, d'autre part, d'un consommateur d'autant plus exigeant et impatient qu'on ne cesse de lui répéter qu'il est " roi ".
Comment s'étonner ensuite qu'il s'attende partout à un service d'exception 24h/24 et 7j/7, une réponse en 1 heure sur les réseaux sociaux et qu'il s'exaspère s'il doit patienter quelques minutes pour avoir un conseiller au téléphone ? Au stade où nous en sommes de l'industrialisation de la profession, il est clair que c'est d'abord à l'entreprise d'agir. Que sa relation client soit ou non externalisée, son premier défi est de gérer les pics de demandes, c'est-à-dire de dimensionner l'effectif de son/ses centre(s) de contacts sur la base de prévisions par essence difficile à établir. Le recours à des centres d'appels offshore est souvent la seule solution possible non seulement pour gérer les pics (journaliers, hebdomadaires et/ou saisonniers) mais aussi pour satisfaire les exigences croissantes des consommateurs en termes d'amplitude horaire, de réactivité et d'accessibilité permanente des services. Reconnaissons que sur ces points le Droit du travail français n'aide pas beaucoup les acteurs du secteur… Sur le travail après 20h et le week-end, des assouplissements s'imposent si on veut garder ou créer ces emplois en France.
Ne pas se tromper d'indicateurs ni d'objectif
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L'erreur serait de croire que le seul critère de délocalisation de la profession est le coût du travail : quand une société comme Photobox décide d'installer sa relation client pour toute l'Europe en Angleterre, c'est parce qu'elle y trouve à la fois les compétences et les conditions d'emploi compatibles avec une activité concentrée sur le week-end. D'autre part, sachant que l'insatisfaction exprimée par les consommateurs concerne principalement le temps d'attente au téléphone, les entreprises ont tout à gagner à développer le self-care et à automatiser tous les services qui peuvent l'être (souvent les services rendus à faible valeur ajoutée). Elles réduisent ainsi le recours au téléphone et les appels relevant de la réassurance du client.
Quoi qu'on en dise, la banque de détail a remarquablement réussi dans ce domaine : presque plus personne ne se rend dans son agence pour retirer de l'argent ; plus personne n'appelle son conseiller pour connaître le solde de son compte ou commander un chéquier parce que ces opérations sont faciles à faire en ligne. Amazon, régulièrement en tête des classements en matière de relation et de service client, désamorce les contacts nécessitant une intervention humaine grâce à une information claire et fiable sur tout ce qui pourrait motiver un appel au service client : dates de livraison, retour produit, annulation de commande… ces informations sont placées de façon à ce que le client n'ait pas à faire d'effort pour les trouver. Conséquence, il n'appelle le service client que s'il rencontre une réelle difficulté.
Puisque la critique porte surtout sur les centres de services externalisés, il est intéressant d'examiner les critères pris en compte dans les contrats entre les prestataires et leurs donneurs d'ordres. Les gros consommateurs de relation client externalisée comme les telco/fournisseur d'accès Internet ont tendance à rechercher du " contact pas cher ", notamment parce que le contexte réglementaire et concurrentiel les empêchent de répercuter dans leurs prix le coût de la relation client. Mais si le contact unitaire n'est pas cher et que le client doit contacter trois fois le centre de contacts pour avoir la réponse exhaustive à sa demande, c'est un mauvais calcul, tant en termes de rentabilité que d'image et de satisfaction client. Payé uniquement au contact, le prestataire a d'avantage intérêt à multiplier les contacts... C'est la raison pour laquelle le FCR, c'est-à-dire le taux de résolution au premier contact, doit devenir un indicateur clé de la profession.
Quoi qu'on en dise, la banque de détail a remarquablement réussi dans ce domaine : presque plus personne ne se rend dans son agence pour retirer de l'argent ; plus personne n'appelle son conseiller pour connaître le solde de son compte ou commander un chéquier parce que ces opérations sont faciles à faire en ligne. Amazon, régulièrement en tête des classements en matière de relation et de service client, désamorce les contacts nécessitant une intervention humaine grâce à une information claire et fiable sur tout ce qui pourrait motiver un appel au service client : dates de livraison, retour produit, annulation de commande… ces informations sont placées de façon à ce que le client n'ait pas à faire d'effort pour les trouver. Conséquence, il n'appelle le service client que s'il rencontre une réelle difficulté.
Puisque la critique porte surtout sur les centres de services externalisés, il est intéressant d'examiner les critères pris en compte dans les contrats entre les prestataires et leurs donneurs d'ordres. Les gros consommateurs de relation client externalisée comme les telco/fournisseur d'accès Internet ont tendance à rechercher du " contact pas cher ", notamment parce que le contexte réglementaire et concurrentiel les empêchent de répercuter dans leurs prix le coût de la relation client. Mais si le contact unitaire n'est pas cher et que le client doit contacter trois fois le centre de contacts pour avoir la réponse exhaustive à sa demande, c'est un mauvais calcul, tant en termes de rentabilité que d'image et de satisfaction client. Payé uniquement au contact, le prestataire a d'avantage intérêt à multiplier les contacts... C'est la raison pour laquelle le FCR, c'est-à-dire le taux de résolution au premier contact, doit devenir un indicateur clé de la profession.
Une relation client à la hauteur de la promesse qui lui est faite
Aujourd'hui, 80% des entreprises ne connaissent pas leur FCR parce qu'elles ne le mesurent pas ! Le fait que la version 6 de la norme NF 345 intègre ce critère devrait pousser les entreprises à améliorer leur FCR, un indicateur exigeant qui sous-tend des efforts importants de formation, d'information et d'autonomie des conseillers. Sur ce point, on peut noter que les Français ne reprochent pas aux conseillers d'être incompétents ou de manquer d'amabilité. Ce qu'ils déplorent, c'est la "mauvaise élocution" de leurs interlocuteurs - et d'autant plus s'ils sont convaincus comme 47% des Français d'appeler toujours ou presque à l'étranger. Ce n'est pas tant un problème de maîtrise de la langue que de génération : la génération Y représente 85% de la profession ; ses codes de communication orale sont en décalage complet avec ceux des consommateurs plus âgés qui les contactent par téléphone. La première chose à faire est d'apprendre aux nouveaux entrants à dire bonjour correctement et à se présenter de manière intelligible !
Enfin, il faut relativiser le niveau d'exigence des clients. En réalité, le consommateur ne veut pas le beurre et l'argent du beurre. Il veut une expérience et une relation client à la hauteur de la promesse qui lui est faite mais, quoi qu'il en dise, il ne renoncera pas aux prix bas. Si les géants du e-commerce ont tiré les standards et donc les attentes des consommateurs vers le haut, les technologies et les méthodes qu'ils utilisent sont à la portée de toutes les entreprises. Pour gagner en crédibilité et en qualité, les acteurs français de la profession doivent jouer la transparence sur la promesse qu'ils font et sur l'information qu'ils délivrent aux consommateurs. Ils ont aussi besoin d'un environnement réglementaire stable pour affiner leur modèle économique, investir et passer du dogme du contact le moins cher possible à une culture du service dont les conseillers, dûment formés aux techniques relationnelles et outillés, sont et doivent rester les ambassadeurs - pour la plus grande satisfaction des clients !
A propos de l'auteur : Ludovic Nodier est fondateur de Viséo Conseil.
Enfin, il faut relativiser le niveau d'exigence des clients. En réalité, le consommateur ne veut pas le beurre et l'argent du beurre. Il veut une expérience et une relation client à la hauteur de la promesse qui lui est faite mais, quoi qu'il en dise, il ne renoncera pas aux prix bas. Si les géants du e-commerce ont tiré les standards et donc les attentes des consommateurs vers le haut, les technologies et les méthodes qu'ils utilisent sont à la portée de toutes les entreprises. Pour gagner en crédibilité et en qualité, les acteurs français de la profession doivent jouer la transparence sur la promesse qu'ils font et sur l'information qu'ils délivrent aux consommateurs. Ils ont aussi besoin d'un environnement réglementaire stable pour affiner leur modèle économique, investir et passer du dogme du contact le moins cher possible à une culture du service dont les conseillers, dûment formés aux techniques relationnelles et outillés, sont et doivent rester les ambassadeurs - pour la plus grande satisfaction des clients !
A propos de l'auteur : Ludovic Nodier est fondateur de Viséo Conseil.