Voiture électrique : une révolution ?

La voiture électrique est la vedette du Mondial de l’Automobile 2010. On y trouve les modèles de voitures à batteries électriques qui existent déjà ou qui vont sortir d’ici 2012. Revue rapide.

Au chapitre des voitures de rêve, voici la Tesla californienne, qui vaut plus de 100 000 dollars, pour un plaisir de conduite que seule cette nouvelle technologie peut offrir. Imaginez-vous, confortablement installé dans les sièges baquet de ce bolide aux lignes futuristes. Dans un silence total, dans lequel la Hi Fi s’épanouit pleinement, vous appuyez sur le champignon sans embrayer, votre bolide bondit aussitôt dans une accélération inouïe (3,9sec de 0 à 100 km/h), toujours sans un murmure. La fée électricité habite votre engin. Pas d’embrayage, ni de boîte de vitesse, couple immédiat, voici ce que ces nouvelles voitures ont en commun.

La première qui peut être la vôtre en France, dès cette année, est la Peugeot Ion, dérivée de la Mitsubishi I-MiEV, un petit format. Vous devrez la louer, pour 5 ans, 500 euros par mois, ou acheter sa sœur de Citroën 35 000 euros (dont on déduira 5 000 euros de prime écologique). Elle cache dans ses flancs 200 kg de batteries Ion Lithium, un peu au détriment du coffre qui ne fait que 168 litres. Cette batterie, qui utilise la technologie la plus performante actuellement, n’est pas dénuée d’inconvénients :

- le lithium utilisé peut poser problème (au moins dans la phase d’équipement initial du marché, puisque ce métal devrait être récupérable) : son prix est passé de 350 dollars la tonne en 2003 à 3000 dollars en 2006 et 6 500 dollars en 2010, alors que la consommation automobile n’a pas encore commencé. Et il crée une dépendance à l’égard de trois pays d’Amérique du Sud où sont situés les principaux gisements.

- elle donne une autonomie théorique de 150 km, mais en pratique une autonomie « garantie » de 80 km, nous dit Auto Moto. C’est la principale contrainte. Car vous devez calculer votre itinéraire avant de quitter votre domicile, en gardant une bonne marge, la panne sèche étant très ennuyeuse : il faut appeler une dépanneuse. La recharge de la batterie se fait en 6 h avec une prise de 16A (30 min avec une borne, pour 80 % de la charge).

- ces batteries vieillissent, bien sûr, et nous possédons peu de données sur le comportement d’une batterie mature. On sait que comme pour les batteries au plomb, il faut éviter de trop la décharger, ce qui accélère le vieillissement. Et dans une batterie au plomb fonctionnant en mode cyclage profond (et non en démarrage seulement, comme c’est le cas sur nos voitures), la capacité de charge diminue assez rapidement avec le temps (sans pour autant que le courant de charge diminue). C’est particulièrement ennuyeux si vous optez pour l’échange de votre batterie vide contre une chargée, car vous ne connaîtrez pas l’usure, donc l’autonomie que cette nouvelle batterie vous permet. Enfin, cette batterie sera suspecte pour une revente de la voiture, qui sera donc pénalisée.

- en cas d’accident provoquant la perforation de la batterie, celle-ci peut exploser (aussi la protège-t-on).

- il faut signaler aussi que cette voiture va coûter cher aux finances publiques : 5000 € de prime « écologique » pour l’achat d’un véhicule électrique, et pas de TIPP par la suite. Avec 10% de voitures électriques vendues, la prime coûtera annuellement à l’Etat 1 milliard d’euros, et la perte de TIPP 10 Md €/an quand les voitures électriques représenteront 10 % du parc de voitures particulières.

Au total, les journalistes auto estiment que cette voiture convient pour des personnes possédant déjà une voiture qui peut faire de la route, et à condition de pouvoir la recharger la nuit dans le garage de leur maison individuelle (les expérimentations actuelles montrent que les utilisateurs rechargent rarement leur batterie sur une borne publique).

Bref, un plaisir nouveau de conduite, mais des inconvénients sérieux. Les constructeurs sont conscients de ces difficultés, et le plus entreprenant d’entre eux sur ce nouveau segment, Renault, prévoit, en 2020, une pénétration des voitures individuelles de seulement 10 %. En cas de pénurie de pétrole, et de forte augmentation de son coût, c’est donc seulement environ 6 % (il faut aussi alimenter les poids lourds pour lesquels la batterie ne convient pas) du pétrole acheté qui pourra être remplacé par la voiture électrique. Une révolution limitée, donc. Et il faudrait maintenant s’intéresser aux 94% restants !

Yves Garipuy est ingénieur et économiste spécialisé en énergie. Il tient un blog qui traite de problématiques énergétiques.

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