Abenomics : quels progrès après deux ans ?

24 Avril 2015
Cédric Le Berre



Les Abenomics commencent à porter leurs fruits: la stratégie de M. Abe a pour but premier de changer la mentalité des consommateurs japonais et de mettre ainsi fin à vingt années de déflation. Les actions nippones, dont les niveaux de valorisation restent sous-évalués, devraient en bénéficier.

Forte croissance de la consommation

Les Abenomics ont réalisé de belles avancées. Ainsi, la hausse des bénéfices des sociétés se traduit aujourd’hui par une augmentation des salaires et des bonus annuels, et cela devrait engendrer une forte croissance de la consommation. Dans ce cycle économique particulièrement porteur, de grandes compagnies japonaises, telles que Toyota, Nissan et Hitachi, ont déjà convenu d’une hausse des salaires mensuels et des bonus annuels, au vu de la solide remontée des bénéfices. Le taux de chômage est aujourd’hui très bas, à 3,6%; lorsque ce dernier est inférieur à 4%, le salaire de base tend historiquement à augmenter graduellement. 

M. Abe bénéficie d’un fort taux de soutien, et le gouverneur de la Banque centrale du Japon (BoJ), M. Kuroda, s’est pleinement engagé à poursuivre sa politique monétaire accommodante («quantitative easing», QE): le Cabinet jouit ainsi d’un taux d’approbation de plus de 60%. Pour rappel, le Parti libéral démocrate (LDP) contrôle les deux chambres du Parlement. Lors des dernières élections, M. Abe a consolidé son mandat, disposant ainsi de quatre années supplémentaires pour mettre en oeuvre sa stratégie. Sa politique monétaire vise à soutenir l’expansion économique du pays. Qui plus est, M. Kuroda est prêt à lancer une nouvelle vague d’assouplissement quantitatif («QE 3») si les chiffres macroéconomiques surprennent à la baisse. La BoJ entend poursuivre ses efforts et ainsi soutenir le marché actions dans le cas où la croissance tarderait à revenir.

Les entreprises japonaises profitent de l’affaiblissement du yen

L’investissement en capital est appelé à augmenter: durant les deux dernières décennies, la plupart des sociétés japonaises ont été réticentes à engager de lourds investissements en capital, et elles se retrouvent donc aujourd’hui avec des installations et des équipements vieillissants. Pour pouvoir maintenir leur niveau de compétitivité, de nombreuses entreprises devront ainsi procéder à des investissements en capital substantiels de façon à renouveler leurs installations. Avec la dépréciation du yen et l’amélioration des bénéfices, la plupart des sociétés ont désormais la capacité d’entreprendre des dépenses d’investissement conséquentes.

La poursuite de l’affaiblissement du yen est attendue: les Etats-Unis s’apprêtent à entrer dans une phase de resserrement monétaire, et l’attention se porte désormais essentiellement sur le calendrier de la future hausse des taux. La politique monétaire de la BoJ consiste, elle, au contraire, à poursuivre son vaste programme d’assouplissement quantitatif. La divergence de politique monétaire entre les Etats-Unis et le Japon tend à entraîner une nouvelle dépréciation du yen, ce qui est généralement bénéfique pour les entreprises japonaises. A cet égard, nous observons souvent une forte corrélation entre les hausses des taux d’intérêt américains et la surperformance des actions japonaises par rapport aux actions américaines.

Pourquoi une allocation au Japon ?

Les actions japonaises sont à la traîne par rapport aux actions américaines et européennes dans le contexte actuel de marché haussier, qui a démarré en 2009. Depuis l’arrivée au pouvoir de M. Abe, fin 2012, le Topix s’inscrit en tête des performances des marchés développés en yen. Cependant, les actions du marché japonais sont toujours en retard sur leurs homologues outre-Atlantique et en Europe. Les sociétés japonaises affichent des plus hauts historiques en termes de croissance bénéficiaire, alors que le marché n’a pas encore atteint ses niveaux d’avant la crise financière. Ainsi, en comparaison internationale, le Topix reste très attractif et sous-évalué, ce qui n’est plus vraiment le cas pour les marchés américain et européen. Dans ces conditions, le Topix pourrait renouer avec ses niveaux de 2007 d’ici à deux ans.

Depuis que le gouvernement Abe a décidé d’augmenter la TVA (de 5% à 8%, en avril 2014) – en vue de réduire la dette massive du pays –, l’économie a souffert sur le court terme. S’agissant de l’inflation, le dernier succès en date des Abenomics est l’augmentation du salaire de base, qui commence à s’étendre à tous les secteurs; cette belle avancée fait notamment suite à un savant dosage entre intervention monétaire et politique budgétaire. La hausse du salaire de base s’est amorcée chez les constructeurs automobiles et devrait prochainement se poursuivre du côté des petites et moyennes entreprises. Le gouvernement Abe se focalise actuellement sur la perception inflationniste, un sentiment qui deviendra bientôt réalité, comme ne cesse de le répéter M. Kuroda. Lors d’une récente conférence de presse, il déclarait ainsi: «Si l’on considère les négociations salariales et les attentes inflationnistes, il n’y a heureusement plus matière à craindre un retour de la mentalité déflationniste parmi les consommateurs japonais.» Le premier signe de l’incidence positive de cette stratégie est le quasi plein emploi dont jouit actuellement le pays, avec un taux de chômage qui a reculé à 3,5% en février 2015.

L’objectif d’inflation restera inchangé tant que les prévisions de la BoJ seront maintenues. Selon M. Kuroda, l’inflation dépassera les 2% à la fin de l’année fiscale 2016. Les principaux déterminants seront un rebond des exportations et la dynamique tant attendue qui sera issue du stimulus instauré par le gouvernement. Le seul facteur important qui pourrait mettre à mal cette tendance est la fluctuation des prix du pétrole. Si les prévisions d’inflation devaient tarder à se matérialiser, les investisseurs pourraient voir laBoJ s’en tenir à ses engagements et lancer de nouvelles mesures de soutien d’ici à l’été, après celles déjà mises en place en octobre dernier.

A propos de l'auteur : Cédric Le Berre est spécialiste en investissement chez UBP.

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