Allemagne : miracle ou mirage économique ?

7 Octobre 2010
Vladimir Vodarevski



L'Allemagne suscite l'admiration en Europe, et en particulier en France, pour sa croissance, et son taux de chômage. En effet, la croissance allemande au deuxième trimestre 2010 par rapport au premier trimestre a été de 2,2 %, soit 8 % en rythme annualisé tandis que la France se contentait d'une croissance de 0,6% par rapport au premier trimestre. D'autre part, le chômage est tombé à 7,5 % de la population active en septembre, son plus bas niveau depuis 1992.

Il est légitime de se demander comment fait l'Allemagne, et, surtout, comment l'imiter. Cependant, une analyse plus poussée montre une situation plus mitigée. D'abord, la croissance de l'économie allemande au second trimestre est impressionnante, mais sa chute en 2009 l'était également, avec une chute de 5 %, alors que la baisse a été de 2,2 % en France. Dans Les Echos du 16 août 2010, Jean-Marc Vittori souligne que, "par rapport au pic de l'activité au premier trimestre 2008, la production au deuxième trimestre 2010 a été inférieure de 2,2 % en France et de 2,8 % en Allemagne".

Ensuite, la France soutient aussi la comparaison en matière de création d'emploi face à l'Allemagne. En effet, Patrick Artus, dans les Echos du 16 septembre, indique que, de 1998 à 2010, l'emploi total a augmenté d'11% en France, contre 7% en Allemagne. D'où vient que le taux de chômage allemand soit si bas ?

Un cinquième des salariés allemands sont payés moins de 10 euros de l'heure

D'abord, on constate que la population active allemande diminue. On constate même un flux migratoire net négatif: il y a plus d'Allemands qui émigrent que d'étrangers qui immigrent en Allemagne. Au contraire, la France a connu une croissance démographique et une augmentation de sa population active. Cette dernière a, par exemple, augmenté de 200 000 personnes en 2009, expliquant en partie l'augmentation du chômage.

D'autre part, la qualité des emplois s'est dégradée. Un cinquième des salariés allemands sont payés moins de 10 euros de l'heure, selon l'Institut pour le travail et la qualification, de l'université de Duisburg, cité par le site Slate. 1,15 million de salariés sont mêmes rémunérés moins de 5 euros de l'heure. Rappelons que l'Allemagne a développé les emplois d'intérêt public à un euro de l'heure. Entre 1998 et 2008, le nombre de salariés payés moins de 10 euros de l'heure a augmenté de 2,26 millions.

L'Allemagne est un pays réputé pour sa cogestion. Cependant, à côté de l'industrie, il existe un secteur des services, comme la distribution, la restauration, atomisé, et moins protégé par les syndicats apparemment. Or, les syndicats ont un rôle très important dans la fixation des salaires en Allemagne, puisqu'il n'y a pas de salaire minimum.

Un modèle pas si idyllique

Par ailleurs, le nombre de pauvres a augmenté d'un tiers en dix ans selon l'institut DIW, passant de 8 à 11,5 millions. Ajoutons que plus de 40% des femmes travaillent à temps partiel, selon Eurostat, avec le salaire qui va avec. Normalement, quand le taux de chômage diminue, cela signifie que la population vit mieux. Ce qui n'a pas l'air d'être le cas en Allemagne.

Rappelons enfin que les salaires stagnent depuis plusieurs années, même dans les secteurs les plus dynamiques, comme l'industrie. C'est cela le modèle allemand, qui fait l'admiration. Il n'est pas si idyllique, donc.

La situation est-elle en train de changer? Le syndicat IG Metal vient d'obtenir une augmentation des salaires de 3,6% dans la métallurgie. Ce qui peut créer un effet d'entraînement. Mais pas pour les emplois à un euro. Ni pour les secteurs non protégés par un syndicat.

Vladimir Vodarevski est économiste de formation. Il travaille actuellement dans le domaine de la fiscalité d'entreprise. Il tient un blog sur l'actualité économique.

Vladimir Vodarevski