Un brevet d’invention permet d’interdire à un concurrent d’exploiter la technologie brevetée sur le territoire couvert par le brevet.
Les mesures d’interdiction définitive sont prononcées, le cas échéant, dans chaque pays par les tribunaux compétents en contentieux de brevets d’invention.
Les mesures d’interdiction définitive sont prononcées, le cas échéant, dans chaque pays par les tribunaux compétents en contentieux de brevets d’invention.
18 mois par instance
Les procédures devant ces tribunaux sont en général assez longues (typiquement de l’ordre de 18 mois par instance), et dans certains cas il est essentiel pour le propriétaire d’un brevet que la contrefaçon puisse être bloquée très rapidement. C’est pour cette raison que les lois en matière de brevets des différents pays européens prévoient des mesures d’interdiction dites « provisoires », permettant de bloquer très rapidement (typiquement en quelques semaines) la contrefaçon, dans l’attente de la décision définitive qui interviendra à l’issue du procès.
Par le passé, les conditions requises pour obtenir de telles mesures provisoires de la part des tribunaux européens variaient considérablement selon les pays. Une directive européenne pour unifier les pratiques Les institutions européennes ont légiféré en 2004 pour harmoniser ces différentes pratiques : la Directive 2004/48/EC du Parlement Européen et du Conseil relative au Respect des Droits de Propriété Intellectuelle comporte en particulier des dispositions relatives aux mesures d’interdiction provisoire.
Ces dispositions précisent que les seules preuves à fournir pour obtenir des mesures d’interdiction provisoire fondées sur un brevet d’invention sont : que le demandeur de l’interdiction provisoire est bien le propriétaire du brevet concerné, et que la contrefaçon du brevet est effective ou imminente.
Par le passé, les conditions requises pour obtenir de telles mesures provisoires de la part des tribunaux européens variaient considérablement selon les pays. Une directive européenne pour unifier les pratiques Les institutions européennes ont légiféré en 2004 pour harmoniser ces différentes pratiques : la Directive 2004/48/EC du Parlement Européen et du Conseil relative au Respect des Droits de Propriété Intellectuelle comporte en particulier des dispositions relatives aux mesures d’interdiction provisoire.
Ces dispositions précisent que les seules preuves à fournir pour obtenir des mesures d’interdiction provisoire fondées sur un brevet d’invention sont : que le demandeur de l’interdiction provisoire est bien le propriétaire du brevet concerné, et que la contrefaçon du brevet est effective ou imminente.
Différentes pratiques malgré la Directive
En revanche, aucune condition de fond relative à la validité du brevet concerné, ni au délai pour demander une interdiction provisoire à partir de la connaissance de la contrefaçon, n’est imposée par cette Directive. Celle-ci a ensuite été transcrite dans les lois nationales des pays Européens : en France en particulier, cette Directive a été transcrite en 2007 dans l’article L.615-3 du Code de la Propriété Intellectuelle.
Bien que cette Directive ait conduit à une certaine convergence dans les critères retenus par les tribunaux nationaux pour accorder des mesures d’interdiction provisoire, on relève encore des différences significatives d’un pays à un autre. En Allemagne et au Royaume-Uni par exemple, le tribunal saisi d’une demande d’interdiction provisoire examine de près, outre les preuves de propriété et de présence d’une contrefaçon : la validité du brevet concerné (nouveauté et activité inventive), et le délai qui s’est écoulé entre le moment où le propriétaire a eu connaissance de la contrefaçon, et la date à laquelle il a sollicité le tribunal en vue d’obtenir une interdiction provisoire. En France, depuis l’entrée en vigueur de la Directive, certains tribunaux (Lyon et Strasbourg notamment) ont pu rendre des décisions contradictoires, prenant en compte ou non l’examen de la validité des brevets concernés. Mais depuis que le contentieux du brevet est centralisé auprès du Tribunal de 1ère Instance et de la Cour d’Appel de Paris, on assiste à une unification des décisions dans l’esprit de la Directive, c’est-à-dire que des mesures d’interdiction provisoire peuvent être prononcées sans examen sur le fond du brevet concerné – hormis les cas de défaut manifeste de brevetabilité.
Bien que cette Directive ait conduit à une certaine convergence dans les critères retenus par les tribunaux nationaux pour accorder des mesures d’interdiction provisoire, on relève encore des différences significatives d’un pays à un autre. En Allemagne et au Royaume-Uni par exemple, le tribunal saisi d’une demande d’interdiction provisoire examine de près, outre les preuves de propriété et de présence d’une contrefaçon : la validité du brevet concerné (nouveauté et activité inventive), et le délai qui s’est écoulé entre le moment où le propriétaire a eu connaissance de la contrefaçon, et la date à laquelle il a sollicité le tribunal en vue d’obtenir une interdiction provisoire. En France, depuis l’entrée en vigueur de la Directive, certains tribunaux (Lyon et Strasbourg notamment) ont pu rendre des décisions contradictoires, prenant en compte ou non l’examen de la validité des brevets concernés. Mais depuis que le contentieux du brevet est centralisé auprès du Tribunal de 1ère Instance et de la Cour d’Appel de Paris, on assiste à une unification des décisions dans l’esprit de la Directive, c’est-à-dire que des mesures d’interdiction provisoire peuvent être prononcées sans examen sur le fond du brevet concerné – hormis les cas de défaut manifeste de brevetabilité.
Evolutions probables avec la Juridiction Unifiée du Brevet
Les Etats Européens ont signé en 2013 un Accord relatif à la Juridiction Unifiée du Brevet. Cet Accord, en cours de ratification, devrait entrer en vigueur en 2016. En vertu de cet Accord, un unique tribunal, la Juridiction Unifiée du Brevet (JUB), dont la division centrale sera à Paris, aura compétence pour rendre des décisions sur la validité et sur la contrefaçon des brevets européens dans tous les Etats européens parties à l’Accord.
En d’autres termes, une unique décision centralisée permettra, le cas échéant, d’arrêter la contrefaçon dans tous les pays européens concernés. Cet Accord comprend notamment des dispositions (Article 62 et Règle 211) relatives aux mesures d’interdiction provisoire.
Ces dispositions donnent une grande liberté aux futurs juges de la JUB quant aux justifications qu’ils devront exiger des propriétaires de brevets afin de statuer sur les demandes d’interdictions provisoires.
Plus précisément, cet Accord indique seulement que le juge peut demander au propriétaire du brevet de fournir les preuves suffisantes qu’il est le propriétaire attitré, que le brevet est valable, et que la contrefaçon est effective ou imminente. En ce sens, cet Accord est très libéral, puisqu’il n’exclut pas que le juge puisse ne demander aucune justification au propriétaire du brevet avant d’ordonner des mesures d’interdiction provisoire. Cette liberté posée par ce texte a ému certains milieux professionnels, qui redoutent que des mesures d’interdiction provisoire, prononcées par un seul juge de la JUB et ayant vocation à être effectives dans tous les Etats parties à l’Accord, ne soient accordées trop facilement.
En d’autres termes, une unique décision centralisée permettra, le cas échéant, d’arrêter la contrefaçon dans tous les pays européens concernés. Cet Accord comprend notamment des dispositions (Article 62 et Règle 211) relatives aux mesures d’interdiction provisoire.
Ces dispositions donnent une grande liberté aux futurs juges de la JUB quant aux justifications qu’ils devront exiger des propriétaires de brevets afin de statuer sur les demandes d’interdictions provisoires.
Plus précisément, cet Accord indique seulement que le juge peut demander au propriétaire du brevet de fournir les preuves suffisantes qu’il est le propriétaire attitré, que le brevet est valable, et que la contrefaçon est effective ou imminente. En ce sens, cet Accord est très libéral, puisqu’il n’exclut pas que le juge puisse ne demander aucune justification au propriétaire du brevet avant d’ordonner des mesures d’interdiction provisoire. Cette liberté posée par ce texte a ému certains milieux professionnels, qui redoutent que des mesures d’interdiction provisoire, prononcées par un seul juge de la JUB et ayant vocation à être effectives dans tous les Etats parties à l’Accord, ne soient accordées trop facilement.
Vers une harmonisation des comportements
Cela pourrait par exemple faire la part belle aux « patent trolls », ces sociétés qui déposent des brevets dans le seul but de traquer des cibles pour les contraindre à prendre des licences et à en tirer des revenus financiers. L’on s’accorde toutefois à penser que cette grande liberté sera canalisée par le bon sens et par l’expérience des juges de la JUB, ainsi que par certaines dispositions de l’Accord (Article 62(2) et Règle 211(3)) qui précisent qu’en prenant sa décision quant à une interdiction provisoire, le juge devra prendre en compte les intérêts respectifs des parties, et les dommages que sa décision pourrait causer à l’une ou l’autre des parties.
Ainsi, malgré l’entrée en vigueur de la Directive relative au Respect des Droits de Propriété Intellectuelle, l’attitude des juges européens face aux demandes d’interdiction provisoire varie encore sensiblement d’un pays européen à l’autre. Il est légitime de penser que la future Juridiction Unifiée du Brevet (JUB) contribuera activement à une harmonisation de ces comportements nationaux. Il est probable que cette harmonisation tende vers une position intermédiaire entre une attitude très libérale des juges, telle qu’elle est rendue possible par les textes de la Directive et de l’Accord sur la JUB, et une attitude plus conservatrice telle qu’on peut l’observer aujourd’hui dans certains pays européens. On ne devrait donc pas connaître, de la part des juges de la future JUB, de décisions accordant avec une surprenante facilité des mesures d’interdiction provisoire fondées sur des brevets européens.
A propos de l'auteur : Frédéric Gaillarde est associé au sein du cabinet Germain Maureau.
Ainsi, malgré l’entrée en vigueur de la Directive relative au Respect des Droits de Propriété Intellectuelle, l’attitude des juges européens face aux demandes d’interdiction provisoire varie encore sensiblement d’un pays européen à l’autre. Il est légitime de penser que la future Juridiction Unifiée du Brevet (JUB) contribuera activement à une harmonisation de ces comportements nationaux. Il est probable que cette harmonisation tende vers une position intermédiaire entre une attitude très libérale des juges, telle qu’elle est rendue possible par les textes de la Directive et de l’Accord sur la JUB, et une attitude plus conservatrice telle qu’on peut l’observer aujourd’hui dans certains pays européens. On ne devrait donc pas connaître, de la part des juges de la future JUB, de décisions accordant avec une surprenante facilité des mesures d’interdiction provisoire fondées sur des brevets européens.
A propos de l'auteur : Frédéric Gaillarde est associé au sein du cabinet Germain Maureau.