Le puissant rebond des Bourses exprimé, à travers le monde, depuis de nombreuses semaines, prouve que les investisseurs observent un frémissement sur de nombreux indicateurs, des signes d’une potentielle reprise durable de l’activité. Mais une batterie de clignotants reste à observer, signe que la reprise annoncée et espérée sera difficilement atteignable. La remontée du nombre de chômeurs figure au premier rang de ces données.
« C’est un coup de massue. Nous sommes au pire de la crise, au beau milieu de la tourmente », a déclaré le secrétaire d’État espagnol à la Sécurité sociale, Octavio Granado, faisant face au pire taux de chômage connu dans son pays depuis trente ans et à l’échelle de l’Union européenne: 17,36 %. Décimée par les difficultés de l’immobilier, l’économie espagnole a également souffert d’une désaffection des touristes. Le secteur tertiaire est celui qui y détruit le plus d’emplois. En France, le taux de chômage s’établit pour sa totalité à 9,1 %. « Le nombre de chômeurs a augmenté de 8 % en France depuis le printemps 2007, alors que sa progression atteint sur la même période 25 % dans la zone euro, 100 % aux Etats-Unis et 142 % en Espagne », a toutefois tempéré la ministre de l’Economie Christine Lagarde.
Aux Etats-Unis, ce sont les difficultés traversées par le secteur manufacturier qui affectent le taux de chômage. Le nombre de destructions d’emplois ne cesse de ralentir depuis janvier, ce qui ramène cette donnée à des niveaux observés avant la faillite de Lehman Brothers, élément accélérateur de la crise. Le nombre de personnes sans emploi atteint cependant un plus-haut depuis 1983, à 9,4 % en mai. La remontée des taux d’intérêt compromet les perspectives d’éclaircie dans l’immobilier, et ce n’est pas la restructuration de General Motors qui permettra d’engager une véritable embellie outre-Atlantique. Le plan Obama de sauvetage de l’économie table sur un nombre de création d’emplois inférieur aux destructions engagées depuis janvier dernier.
La reprise est encore loin
Depuis le début de la récession en décembre 2007, «les suppressions d’emplois ont continué à être largement répandues, mais le rythme de la baisse des emplois s’est modéré dans le secteur de la construction et dans certains secteurs des services », selon le Département américain du Travail, qui doit faire face à 14,6 millions d’Américains au chômage auxquels il convient d’ajouter 6,6 millions de personnes déclarant vouloir retrouver un emploi mais non comptabilisées dans la population active. L’objectif de l’administration Obama est aujourd’hui d’engager un cercle vertueux à partir de la croissance, une visée qui sera difficile à atteindre dans l’immédiat. La Réserve fédérale mise sur un début de reprise pour la fin de l’année.
La situation est également morose du côté du Japon, où le taux de chômage n’a jamais été aussi élevé en quatre ans et demi. Le nombre de chômeurs a progressé de 25 % depuis mars 2008, un chiffre qui intervient dans la plus grave récession traversée par l’économie nipponne depuis 1945. Engagé dans un processus de déflation (un recul de l’indice des prix observé sur une période longue), le Japon voit les investissements ralentir, et les dépenses de consommation des ménages diminuer. Au Canada, le taux de chômage grimpe également, preuve de la diffusion des conséquences de la crise à l’ensemble des pays industrialisés.
Les pays émergents ne sont pas en reste, avec des hausses constatées en Chine, en Inde, en Russie, au Mexique ou en Arabie Saoudite, le Brésil faisant figure d’exception majeure dans ce tableau. La conférence annuelle de l’Organisation internationale du Travail, en cours jusqu’au 19 juin à Genève, doit notamment permettre de mettre en perspective les différents scénarios pour chaque région du globe, 4.000 représentants de gouvernements et d’organisations d’employeurs et de travailleurs étant au rendez-vous.