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Souffrance et travail : une fatalité ?
Le mot travail porte en lui la notion de souffrance : il vient du latin tripalium, qui désigne à l’origine un instrument de torture. Une alliance étymologique que la conjoncture a tendance à confirmer depuis plusieurs années. Pour Michel Lallement, sociologue et spécialiste du travail, le mal être des salariés ne fait que s’accentuer depuis une trentaine d’années : « cela prend corps dans les années 1980, où le partage de la valeur bascule en faveur des profits, se poursuit dans les années 1990 avec le durcissement des conditions de travail, et s’accentue ensuite avec la financiarisation de l’économie ». Avec la crise, tout s’accélère encore : le plaisir de travailler a de plus en plus de mal à résister à la mise sous pression des salariés, et aux modes d’organisation plus austères, qui font parfois même penser à un pénible taylorisme. Pourtant la souffrance au travail est une fatalité que certains n’acceptent pas. Et ils ont raison : les travailleurs, et leurs entreprises, ne s’en portent que bien mieux.
Bâtir un environnement pour (ré)concilier plaisir et travail
Certaines entreprises font ainsi du plaisir au travail un volet primordial de leur politique de recrutement, et de gestion du personnel. C’est même devenu la marque de fabrique, médiatisée, de plusieurs d’entre elles. Ainsi chez Google, on sait que les salariés peuvent consacrer 20% de leur temps à des projets libres, et ont accès à des salles de jeux, de sport, ou autres services personnels destinés à maximiser leur bien-être, et leur plaisir de travailler. Même philosophie chez Pixar, où le bâtiment est conçu de sorte que les employés puissent circuler librement et échanger leurs idées, dans une logique qui se veut avant tout ludique.
Chez Lego aussi, les locaux ont été pensés comme le reflet d’une philosophie du travail : « Lego ne crée pas que du ‘fun’ pour les autres, travailler chez lego est également ‘fun’ ! », se réjouit le cabinet d’architectes du bâtiment. Toutes ces entreprises se félicitent des conséquences de cette conception du travail sur le bien-être des employés, mais aussi sur leur productivité. Et en effet, toutes sont des acteurs de référence dans leurs domaines respectifs et affichent une santé resplendissante, qui a de quoi faire des jaloux en temps de crise.
De la passion naît le plaisir… et la performance
Mais cultiver le plaisir au travail, ce n’est pas « simplement » installer un baby-foot dans ses locaux. Les entreprises qui y réussissent sont celles qui en font une vraie philosophie, un socle sincère et solide de leurs valeurs. Et pour cela il y a une condition essentielle, qui semble évidente mais que la morosité économique a peut-être eu tendance à faire oublier : pour prendre du plaisir à travailler, il faut travailler avec passion. Une entreprise comme Wonderbox, le numéro 1 en France des coffrets cadeaux, doit pour beaucoup sa réussite à la passion qui anime ses fondateurs, et qu’ils ont su transmettre à leurs employés.
Bertile Burel, co-fondatrice de Wonderbox, revient sur les origines de la société qu’elle a fondé avec son mari, parce que tous deux sont adeptes de voyages et d’aventure : « les deux premiers coffrets que nous avons lancés reprenaient des activités que nous avions aimées et que nous avions envie de partager. Donc quand notre équipe s’est constituée, sans s’en rendre compte, nous leur avons communiqué cette passion. Nous n’avons recruté que des gens qui aiment ce qu’ils font et qui vivent à fond ». Aujourd’hui, Wonderbox affiche des chiffres record, 1.5 millions de coffrets cadeaux vendus en 2012 pour un chiffre d’affaires de 140 millions d’euros, et continue à cultiver la passion et le plaisir au travail. Cela se passe au niveau du recrutement, mais aussi du management : écoute, responsabilisation… ou encore budget annuel de 500€ par personne pour tester les activités. « Les collaborateurs qui arrivent au travail avec le sourire le matin mettent du cœur à l’ouvrage, cela se répercute positivement sur toutes les relations avec nos partenaires, avec la clientèle », estime Bertile Burel. Pour une entreprise qui doit gérer des relations aussi bien avec ses clients qu’avec ses prestataires (15000 aujourd’hui), c’est effectivement un « actif stratégique précieux ».
Au Vieux Campeur aussi, la passion est au cœur du business model. Elle est pour partie ce qui explique que cette entreprise de taille modeste a su résister aux géants de la grande distribution du sport. En 2010-2011, l’entreprise, qui ne voit pas passer la crise, a même réussi à afficher un chiffre d’affaires de 120 millions d’euros hors taxes, en progression de 13.7%. En effet depuis la naissance de la société il y a plus de 70 ans, le recrutement des vendeurs est plus affaire de passion que de commerce. Jacques-Yves de Rorthays, qui dirige le Vieux campeur, explique : « Nous ne demandons pas à un vendeur d’être vendeur […]. Il faut simplement que le postulant pratique le sport qu’il va avoir à vendre. Plutôt qu’un rapport vendeur-client, on parlera plutôt d’un échange « passionné-passionné » avec des avis très pointus, parfois orientés mais toujours sincères ». Là aussi le cercle vertueux est en marche : les vendeurs passionnés travaillent avec plaisir, ce qui a un impact positif sur leurs relations avec les clients… et des conséquences directes sur la santé de l’entreprise.
Aux Etats-Unis, la société Ruby Receptionists parvient à appliquer cette philosophie à un secteur réputé « ingrat » : le standard téléphonique, qu’elle gère pour ses clients TPE/ PME. Sa fondatrice, Jill Nelson, explique comment elle met ses valeurs en pratique : « Je demande régulièrement à mes employés s’ils sont heureux dans leur travail et si je peux faire quelques chose pour les render plus heureux encore ». En termes de notoriété, de résultats mais aussi d’efficacité –tout est lié, le pari est payant : « Il est arrivé que nos clients décrochent des marchés simplement parce que nos standardistes sont polis et agréables », se targue Jill Nelson.
Travail et plaisir : une alliance gagnante
Allier travail et plaisir en temps de crise est loin d’être incongru. Et c’est même scientifique : comme l’explique le Dr Philippe Rodet, le plaisir diminue la sécrétion des hormones du stress, et augmente celle de dopamine, l’hormone de la motivation… qui génère du plaisir. Et ces salariés plus motivés et plus heureux seront plus efficaces, mais aussi de meilleurs ambassadeurs de l’entreprise vers l’extérieur. De quoi optimiser les chances de bonheur pour chacun, et de réussite pour tous.
Le mot travail porte en lui la notion de souffrance : il vient du latin tripalium, qui désigne à l’origine un instrument de torture. Une alliance étymologique que la conjoncture a tendance à confirmer depuis plusieurs années. Pour Michel Lallement, sociologue et spécialiste du travail, le mal être des salariés ne fait que s’accentuer depuis une trentaine d’années : « cela prend corps dans les années 1980, où le partage de la valeur bascule en faveur des profits, se poursuit dans les années 1990 avec le durcissement des conditions de travail, et s’accentue ensuite avec la financiarisation de l’économie ». Avec la crise, tout s’accélère encore : le plaisir de travailler a de plus en plus de mal à résister à la mise sous pression des salariés, et aux modes d’organisation plus austères, qui font parfois même penser à un pénible taylorisme. Pourtant la souffrance au travail est une fatalité que certains n’acceptent pas. Et ils ont raison : les travailleurs, et leurs entreprises, ne s’en portent que bien mieux.
Bâtir un environnement pour (ré)concilier plaisir et travail
Certaines entreprises font ainsi du plaisir au travail un volet primordial de leur politique de recrutement, et de gestion du personnel. C’est même devenu la marque de fabrique, médiatisée, de plusieurs d’entre elles. Ainsi chez Google, on sait que les salariés peuvent consacrer 20% de leur temps à des projets libres, et ont accès à des salles de jeux, de sport, ou autres services personnels destinés à maximiser leur bien-être, et leur plaisir de travailler. Même philosophie chez Pixar, où le bâtiment est conçu de sorte que les employés puissent circuler librement et échanger leurs idées, dans une logique qui se veut avant tout ludique.
Chez Lego aussi, les locaux ont été pensés comme le reflet d’une philosophie du travail : « Lego ne crée pas que du ‘fun’ pour les autres, travailler chez lego est également ‘fun’ ! », se réjouit le cabinet d’architectes du bâtiment. Toutes ces entreprises se félicitent des conséquences de cette conception du travail sur le bien-être des employés, mais aussi sur leur productivité. Et en effet, toutes sont des acteurs de référence dans leurs domaines respectifs et affichent une santé resplendissante, qui a de quoi faire des jaloux en temps de crise.
De la passion naît le plaisir… et la performance
Mais cultiver le plaisir au travail, ce n’est pas « simplement » installer un baby-foot dans ses locaux. Les entreprises qui y réussissent sont celles qui en font une vraie philosophie, un socle sincère et solide de leurs valeurs. Et pour cela il y a une condition essentielle, qui semble évidente mais que la morosité économique a peut-être eu tendance à faire oublier : pour prendre du plaisir à travailler, il faut travailler avec passion. Une entreprise comme Wonderbox, le numéro 1 en France des coffrets cadeaux, doit pour beaucoup sa réussite à la passion qui anime ses fondateurs, et qu’ils ont su transmettre à leurs employés.
Bertile Burel, co-fondatrice de Wonderbox, revient sur les origines de la société qu’elle a fondé avec son mari, parce que tous deux sont adeptes de voyages et d’aventure : « les deux premiers coffrets que nous avons lancés reprenaient des activités que nous avions aimées et que nous avions envie de partager. Donc quand notre équipe s’est constituée, sans s’en rendre compte, nous leur avons communiqué cette passion. Nous n’avons recruté que des gens qui aiment ce qu’ils font et qui vivent à fond ». Aujourd’hui, Wonderbox affiche des chiffres record, 1.5 millions de coffrets cadeaux vendus en 2012 pour un chiffre d’affaires de 140 millions d’euros, et continue à cultiver la passion et le plaisir au travail. Cela se passe au niveau du recrutement, mais aussi du management : écoute, responsabilisation… ou encore budget annuel de 500€ par personne pour tester les activités. « Les collaborateurs qui arrivent au travail avec le sourire le matin mettent du cœur à l’ouvrage, cela se répercute positivement sur toutes les relations avec nos partenaires, avec la clientèle », estime Bertile Burel. Pour une entreprise qui doit gérer des relations aussi bien avec ses clients qu’avec ses prestataires (15000 aujourd’hui), c’est effectivement un « actif stratégique précieux ».
Au Vieux Campeur aussi, la passion est au cœur du business model. Elle est pour partie ce qui explique que cette entreprise de taille modeste a su résister aux géants de la grande distribution du sport. En 2010-2011, l’entreprise, qui ne voit pas passer la crise, a même réussi à afficher un chiffre d’affaires de 120 millions d’euros hors taxes, en progression de 13.7%. En effet depuis la naissance de la société il y a plus de 70 ans, le recrutement des vendeurs est plus affaire de passion que de commerce. Jacques-Yves de Rorthays, qui dirige le Vieux campeur, explique : « Nous ne demandons pas à un vendeur d’être vendeur […]. Il faut simplement que le postulant pratique le sport qu’il va avoir à vendre. Plutôt qu’un rapport vendeur-client, on parlera plutôt d’un échange « passionné-passionné » avec des avis très pointus, parfois orientés mais toujours sincères ». Là aussi le cercle vertueux est en marche : les vendeurs passionnés travaillent avec plaisir, ce qui a un impact positif sur leurs relations avec les clients… et des conséquences directes sur la santé de l’entreprise.
Aux Etats-Unis, la société Ruby Receptionists parvient à appliquer cette philosophie à un secteur réputé « ingrat » : le standard téléphonique, qu’elle gère pour ses clients TPE/ PME. Sa fondatrice, Jill Nelson, explique comment elle met ses valeurs en pratique : « Je demande régulièrement à mes employés s’ils sont heureux dans leur travail et si je peux faire quelques chose pour les render plus heureux encore ». En termes de notoriété, de résultats mais aussi d’efficacité –tout est lié, le pari est payant : « Il est arrivé que nos clients décrochent des marchés simplement parce que nos standardistes sont polis et agréables », se targue Jill Nelson.
Travail et plaisir : une alliance gagnante
Allier travail et plaisir en temps de crise est loin d’être incongru. Et c’est même scientifique : comme l’explique le Dr Philippe Rodet, le plaisir diminue la sécrétion des hormones du stress, et augmente celle de dopamine, l’hormone de la motivation… qui génère du plaisir. Et ces salariés plus motivés et plus heureux seront plus efficaces, mais aussi de meilleurs ambassadeurs de l’entreprise vers l’extérieur. De quoi optimiser les chances de bonheur pour chacun, et de réussite pour tous.