Énergies 2050 : les résultats de l’étude

21 Février 2012



Les résultats de l’étude Énergies 2050 viennent d’être publiés par le gouvernement. Un dossier très complet est consultable sur Internet. . Il tient compte des avis qui ont été portés à la connaissance de la commission. C’est un travail très qualifié, qui parait objectif.

La filière nucléaire, au cœur de cette réflexion

Nucléaire ou énergies renouvellables ?
Cette étude répond à la spécification du ministre de l’Industrie, Éric Besson, qui a demandé que quatre options d’évolution de la production d’électricité soient examinées :
1. Accélération du passage à la 3ème génération du nucléaire
2. Réduction du nucléaire
3. Sortie du nucléaire
4. Prolongation du parc actuel.

La filière nucléaire est donc au cœur de cette réflexion. À l’heure où cette question est un enjeu électoral, il était bon d’avoir un avis technique. On pouvait redouter que par crainte d’être taxés de partisans, les sages de la commission se réfugient dans une attitude formelle d’impartialité, de symétrie en fait. Cela n’a pas été le cas, la commission ayant clairement affiché la supériorité de l’option 4, avec prolongation possible de la durée de vie des centrales à 60 ans, sous réserve que cette option soit recommandée par l’autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Car seule l’ASN est qualifiée pour une telle décision. La compétence et l’indépendance de cette instance est indiscutable, et incontestée. Le président (Jacques Percebois) et vice-président (Claude Mandil) de la commission Énergies 2050 affirment dans leurs conclusions : "C’est l’occasion de dire le parti que nous avons pris sur la question de la sûreté nucléaire : nous avons refusé d’avoir un avis autonome sur le sujet ".

Ces améliorations ont un coût

Le rapport prend en compte l’émotion compréhensible qu’a soulevée Fukushima, en détaillant les améliorations de sécurité ultime que l’ASN a décidées pour toutes les centrales existantes ou à venir (p. 77). Ces améliorations ont un coût qui majore le prix de revient du kWh nucléaire, qui reste cependant nettement inférieur à celui des autres formes de production, notamment le renouvelable. Ces précautions devraient rassurer ceux que le nucléaire inquiète. On peut craindre cependant que des considérations électorales conduisent au maintien du sacrifice inutile d’installations nucléaires, Fessenheim notamment, ce qui s’apparenterait alors à un gaspillage du bien public.

En définitive, les caractéristiques résumées de ces 4 options sont :

Option 1 : coût 66 €/MWh, CO2 25Mt/an
Option 2 : coût 74 €/MWh, CO2 40 Mt/an, perte d’emplois 150 000
Option 3. coût 97 €/MWh, CO2 45 Mt/an, perte d’emplois 200 000
Option 4. coût 55 €/MWh, CO2 25 Mt/an

L’éolien et le photovoltaïque : des problèmes d’intermittence

Le rapport souligne également que l’éolien et le photovoltaïque à partir de 2020 posent un problème d’intermittence (voir p. 82 un graphique éloquent de la production éolienne en Europe). Celui-ci pourrait être réglé par des solutions de stockage de l’énergie, qui n’existent pas actuellement (les possibilités de « STEP », pompage, sont limitées).

On doit donc se résoudre à compenser cette intermittence par des centrales à gaz. D’une façon plus générale, il n’est pas possible de prévoir aujourd’hui les options techniques qui seront disponibles en 2050, et le rapport recommande de maintenir actives toutes les options actuelles, en poursuivant la recherche.

Une foule d’informations intéressantes

Le rapport contient une foule d’autres informations intéressantes (le lecteur pressé pourra se contenter de lire les documents indiqués « Documents à télécharger »). Il est centré sur l’électricité, alors que la chaleur représente 52 % de l’énergie consommée en France, et les transports 31%, et que ces deux utilisations consomment majoritairement des énergies fossiles. Un complément ultérieur de l’étude Énergies 2050, portant sur les réseaux de chaleur, pourrait faire apparaitre des possibilités considérables de remplacement du gaz, fioul et électricité par de la biomasse. Pour les transports, le rapport indique la prééminence durable du pétrole pour cette application.

Il s’inquiète légitimement d’une baisse de production du brut, absorbable si elle ne dépasse pas 1%/an. Mais pour une décroissance de 2%/an, la hausse du prix du brut pourrait atteindre 800% sur 20 ans, avec une baisse de PIB mondial de 10% (p. 69): un cataclysme. Dans cette optique, j’aurais aimé un développement plus important sur la solution hydrogène que j’ai proposée (seulement mentionnée avec l’électrolyseur, p. 124).

Enfin, il plane sur l’ensemble du plan une menace importante : celle que les ressources attendues du gaz soient surévaluées. Or le gaz est amené à jouer un rôle de premier plan, avec le développement des énergies renouvelables. En effet celles-ci sont intermittentes, et lorsqu’elles ne fonctionnent pas suffisamment, ce sont des centrales au gaz qui prennent le relais (le gaz permet de suivre les variations rapides du vent). Or le facteur de charge prévu de l’éolien (avec la montée en puissance de l’éolien marin) est de 26%, ce qui signifie que pendant 74 % du temps, c’est le gaz qui prend le relai. Et avec le photovoltaïque, le gaz devra fonctionner pendant 88 % du temps.

L’option « sortie du nucléaire », devrait s’appeler « option gaz »

C’est dire que l’option 3, « sortie du nucléaire », devrait s’appeler en fait « option gaz ». Le gaz connait actuellement un emballement de la demande, notamment avec l’arrêt partiel du nucléaire en Allemagne et au Japon. Le rapport Énergies 2050 indique que le gaz de schiste pourrait doubler les réserves actuelles (p.70), mais des voix s’élèvent aux États Unis pour contester cette affirmation, disant que la durée de production des nouveaux puits est très courte, et que les chiffres prévisionnels ont été surévalués pour obtenir des banques davantage de crédit.

Les réserves de gaz de schiste ont été gonflées, ce qui a permis des gains frauduleux en bourse, avec des poursuites pénales. Et puis, c’est nous mettre dans les mains d’un petit nombre de producteurs. En Europe, la Russie fournit la moitié des besoins en gaz. Or en 2011, Gazprom a augmenté ses livraisons de 8 %, ses prix de 21%, et son bénéfice de 25% pour atteindre 40 milliards de dollars. Et que dire dans ces conditions du « facteur 4 », cet objectif de diviser par 4 les émissions de CO2 d’ici 2050 ? Des puissantes raisons de ne pas abandonner le nucléaire ! Et de freiner le renouvelable !