L’alimentation et l’énergie, premières sources d’inflation dans le monde

27 Septembre 2022
Philippe de Gouville

Se nourrir ou se chauffer ? C’est la question que se posent de nombreux foyers aujourd’hui pour anticiper les prochains mois d’hiver. L’inflation touche désormais l’économie mondiale. Elle soulève de nombreuses interrogations, et impose ainsi à chaque État une réorganisation sur leurs consommations.



Depuis 2021, le coût de la vie a fortement augmenté, soit une augmentation sur moins de 2 ans équivalente aux 5 années précédentes. Cela s’explique notamment par une longue période de faible inflation, obligeant certaines banques centrales à lutter contre les forces déflationnistes durant des années. Soudainement, la donne a changé.

Les principales causes de l’inflation actuelle

L’inflation est la conséquence de plusieurs raisons qui, combinées, ont radicalement changé la situation. La guerre en Ukraine évidemment, mais aussi le laxisme des banques centrales qui avaient inondé l’économie de liquidités pour lutter contre les effets de la pandémie sur l’activité. Enfin, les perturbations des chaînes d’approvisionnement ont rappelé que l’économie mondialisée était fragile, et que le moindre grain de sable pouvait provoquer des interruptions dans la chaîne de production. Selon le FMI, l’énergie et l’alimentation sont les principales sources de l’inflation. Depuis un an, la hausse des prix de l’alimentation seule est supérieure à l’inflation globale connue entre 2016 et 2020. Elle a le même impact sur le pouvoir d’achat aujourd’hui que l’ensemble de la hausse des prix des années passées.

On le voit bien avec le dernier rapport de l’INSEE qui montre une hausse à deux chiffres des produits de base comme la viande, les pâtes et l’huile. Les prix de l’alimentation eux ne faiblissent pas. La perte de la production ukrainienne et la sécheresse dans différentes régions du monde (notamment en Chine) a réduit l’offre, et la hausse des coûts de production et de transport rajoute encore de la pression sur les prix. Il faut aussi comprendre que l’élasticité de la demande des produits alimentaires est très faible. On ne peut pas vraiment réduire sa consommation. C’est pourquoi les populations les plus faibles sont très exposées à la flambée des prix dans ce secteur, provoquant déjà des manifestations dans toutes les régions du monde. Les pays africains sont menacés par « la pire crise alimentaire et nutritionnelle depuis dix ans », selon le Programme Alimentaire Mondial. L’urgence se ressent particulièrement en Afrique de l’Ouest, où les courbes de l’inflation s’affolent : + 30 % en juin au Ghana, + 22,4 % en Sierra Leone, + 18,6 % au Nigeria, + 15,3 % au Burkina Faso… « La situation est en train de devenir incontrôlable ». Pour l’énergie, c’est la même chose. La hausse est directement visible à la pompe ou sur le compteur, mais aussi de manière indirecte dans les transports et les engrais pour ne citer qu’eux.

En revanche, ces dernières semaines, les prix de l’énergie semblent se calmer. Deux raisons à cela : D’abord, la croissance économique ralentit. Des entreprises réduisent aussi leur production car leur modèle économique n’est plus viable à ce niveau. C’est le cas notamment en Allemagne ou certaines usines tournent au ralenti à cause du gaz ; Il aussi possible que la hausse de l’énergie ait été passée plus rapidement sur les consommateurs que celle de l’alimentation pour laquelle la diffusion est plus lente.

Les moyens mis en place

Le FMI revoit une fois encore à la hausse ses prévisions d’inflation pour cette année : 6,6% dans les pays développés, et 9,5% pour les pays émergents et en voie de développement. La lutte contre l’inflation doit être la priorité des gouvernements et des banques centrales. On l’a déjà dit, les banques centrales ont largement tardé à régir, notamment quand les premiers signes sont apparus, de peur de tuer dans l’œuf la reprise post pandémie. Plus elles attendent, plus les effets sur l’économie sont dévastateurs. La plupart sont maintenant bien engagées dans leur programme de hausses de taux, même si on le voit, elles sont obligées d’en pratiquer de plus importantes pour rattraper le retard accumulé. Les gouvernements doivent mettre en place des politiques d’accompagnement des plus faibles.

En France, on dispose du bouclier énergétique et divers programmes d’aide. En Angleterre, la nouvelle Première Ministre Liz Truss a proposé un plan ambitieux de 150 milliards de livres. En Allemagne, le Chancelier Olaf Scholz a lui annoncé un plan de 65 milliards d’euros pour aider les ménages à faire face. Ces aides nécessaires vont encore peser sur les finances des états déjà plombées par la pandémie. D’une façon ou d’une autre, il faudra trouver du financement par l’impôt ou via des taxes supplémentaires. On le voit, les pays développés s’organisent. Mais les pays en voie de développement n’ont pas cette possibilité et devront chercher de l’aide auprès d’organismes internationaux pour les aider à gérer cette crise. Un plan d’aide à l’échelle internationale pourrait alors être envisageable.

A propos de l'auteur : Philippe de Gouville est CEO et cofondateur d’ISMO.

Philippe de Gouville