Depuis quelques années, l’économie brésilienne avait retrouvé le sourire : croissance soutenue et inflation contrôlé. Sur le plan diplomatique, le Brésil profite de sa situation pour faire entendre au niveau international. Mais le Brésil est-il assez fort pour supporter les secousses de la crise financière débutée en 2007 ? Nous avons posé la question à Paul Roberto de Almeida, Professeur brésilien d’Économie Politique au Centre Universitaire de Brasilia (Uniceub) et diplomate de carrière.
Economie et société : L’économie brésilienne peut-elle sortir indemne de la crise financière ?
Paulo Roberto de Almeida : Aucune économie n’est à l’abri des secousses de la grave crise financière déclenchée par l’éclatement des subprimes américaines. Les répercussions viennent d’abord par l’étanchement des crédits, ensuite par les circuits commerciaux, finalement, dans l’activité industrielle et agricole. Il est probable que le rythme de croissance au Brésil diminue et que l’emploi dans les secteurs les plus connectés à l’économie globale soit en baisse. De ce point de vue, le Brésil, plutôt dépendant de son marché intérieur qu’extérieur, semble plus protégé, mais cela ne doit pas tromper : la dévaluation du Real entraînera certainement des pressions inflationnistes.
Il faut dire, aussi, qu’étant donné le taux d’intérêt anormalement élevé au Brésil, les banques et les compagnies brésiliennes s’approvisionnent en ressources sur les marchés étrangers, ce qui est devenu très compliqué actuellement. Petrobras, par exemple, qui avait une capitalisation de marché supérieure à US$ 300 milliards au début de l’année et qui prenait des ressources à moins de 8 % jusque là, a vu sa valeur de marché tomber à quelque US$ 130 milliards maintenant, et probablement ne va pas se financer à moins de 10 % désormais. Cela pose des problèmes pour le financement des gigantesques réserves qu’elle a découvert off shore.
Il faut dire, aussi, qu’étant donné le taux d’intérêt anormalement élevé au Brésil, les banques et les compagnies brésiliennes s’approvisionnent en ressources sur les marchés étrangers, ce qui est devenu très compliqué actuellement. Petrobras, par exemple, qui avait une capitalisation de marché supérieure à US$ 300 milliards au début de l’année et qui prenait des ressources à moins de 8 % jusque là, a vu sa valeur de marché tomber à quelque US$ 130 milliards maintenant, et probablement ne va pas se financer à moins de 10 % désormais. Cela pose des problèmes pour le financement des gigantesques réserves qu’elle a découvert off shore.
Economie et société : Quelles sont, selon vous, ses atouts et ses faiblesses ?
PRA: Les atouts sont : la stabilité financière interne, faite d’inflation modérée et des comptes publics relativement équilibrés, le taux de change flottant et des réserves internationales équivalentes à plus d’un an d’importations. La situation des entreprises et des banques est aussi solide, sans trop d’endettement et encore sur la pente de la croissance, mais cela va diminuer maintenant. Les coûts du travail ainsi que de l’énergie sont encore attractifs, pour les investissements étrangers.
Les faiblesses sont : une dette publique encore très élevée (50% du PIB, environ), une charge fiscale équivalente à celle des pays de l’OCDE (38%), pour un revenu par tête plusieurs fois inférieur, un niveaux très modeste d’investissement - provoqué, justement, par le poids des impôts - et une capacité d’innovation aussi très réduite (due au bas niveaux d’éducation de la population en général). L’infrastructure pour le développement - eau, santé, etc. - ainsi que celle pour les exportations -routes, ports, énergie -est aussi peu développée ou inexistante.
Les faiblesses sont : une dette publique encore très élevée (50% du PIB, environ), une charge fiscale équivalente à celle des pays de l’OCDE (38%), pour un revenu par tête plusieurs fois inférieur, un niveaux très modeste d’investissement - provoqué, justement, par le poids des impôts - et une capacité d’innovation aussi très réduite (due au bas niveaux d’éducation de la population en général). L’infrastructure pour le développement - eau, santé, etc. - ainsi que celle pour les exportations -routes, ports, énergie -est aussi peu développée ou inexistante.
Economie et société : Dans ce contexte, estimez-vous que la politique économique et sociale de Lula soit efficace ?
PRA: La politique économique est la même, dans ses grandes lignes, que celle dessinée par le gouvernement Fernando Henrique Cardoso, faite d’« inflation targetting », de taux de change de marché et de responsabilité fiscale, bien qu’il y ait eu, depuis lors, une certaine détérioration des dépenses publiques (avec trop de nouveaux employés de l’État, la création de nouvelles entreprises publiques et l’augmentation irresponsable des salaires du secteur public, qui prend de plus en plus un part importante du PIB).
La politique sociale est certainement plus ambitieuse que celle de son prédécesseur, avec la croissance du volume des transferts fédéraux à des pauvres et démunis (Bourse Famille). Il faut reconnaître que cela a fait diminuer la concentration du revenu (indice de Gini), mais il s’agit d’un simple transfert des créateurs des richesses (entreprises et classe moyennes) vers les plus pauvres, avec peu d’impact, jusqu’à présent, sur les ressources humaines ou le marché du travail (ici même plutôt négatif).
Il faut dire que nombre de municipalité dans des régions plus arriérées ainsi que des états entiers dans le Nord-Est sont aujourd’hui complètement dépendants de cette manne fédérale, ce qui est tout à fait négatif en termes fiscaux, ainsi qu’au plan de la « solidarité » nationale. À l’état d’Alagoas, par exemple, la Bourse Famille est deux fois plus importante (R$ 370 millions) que les paiements faits par l’agriculture de canne à sucre (R$ 100 millions) et, dans l’ensemble (c’est-à-dire, avec les allocations de la Sécurité Sociale et l’assurance chômage), l’état reçoit quatre fois plus qu’il ne « produit », à partir des ressources d’autres régions : les personnes les plus « riches » dans certains villages sont ceux qui reçoivent la Sécurité Sociale (avec des dépenses 2,4 fois supérieures aux contributions). La situation se reproduit dans d’autres états et régions. Tous ces éléments font que nous avons au Brésil une véritable bombe fiscale à retardement.
La politique sociale est certainement plus ambitieuse que celle de son prédécesseur, avec la croissance du volume des transferts fédéraux à des pauvres et démunis (Bourse Famille). Il faut reconnaître que cela a fait diminuer la concentration du revenu (indice de Gini), mais il s’agit d’un simple transfert des créateurs des richesses (entreprises et classe moyennes) vers les plus pauvres, avec peu d’impact, jusqu’à présent, sur les ressources humaines ou le marché du travail (ici même plutôt négatif).
Il faut dire que nombre de municipalité dans des régions plus arriérées ainsi que des états entiers dans le Nord-Est sont aujourd’hui complètement dépendants de cette manne fédérale, ce qui est tout à fait négatif en termes fiscaux, ainsi qu’au plan de la « solidarité » nationale. À l’état d’Alagoas, par exemple, la Bourse Famille est deux fois plus importante (R$ 370 millions) que les paiements faits par l’agriculture de canne à sucre (R$ 100 millions) et, dans l’ensemble (c’est-à-dire, avec les allocations de la Sécurité Sociale et l’assurance chômage), l’état reçoit quatre fois plus qu’il ne « produit », à partir des ressources d’autres régions : les personnes les plus « riches » dans certains villages sont ceux qui reçoivent la Sécurité Sociale (avec des dépenses 2,4 fois supérieures aux contributions). La situation se reproduit dans d’autres états et régions. Tous ces éléments font que nous avons au Brésil une véritable bombe fiscale à retardement.
Economie et société : L’économie brésilienne peut-elle réussir à s’imposer sur le plan international ?
PRA: Probablement, mais pas, pour l’instant, dans les secteurs les plus dynamiques du commerce international, comme les électroniques (Chine) ou services d’informatique (Inde). Ce serait plutôt le cas des énergies renouvelables (éthanol, ou d’autres formes de biomasse) et de l’agriculture en général. Le Brésil est un géant agricole, mais cela ne se traduit pas seulement en matières premières peu élaborées (des grains, du sucre ou de la viande). Il y aura certainement des progrès technologiques qui feront du Brésil un géant compétitif en aliments « travaillés ». Le Brésil produit aussi des avions très performants (Embraer) et la compagnie pétrolière Petrobras est déjà la septième au monde.
Par ailleurs, on doit encore bénéficier de notre « bonus démographique », c’est-à-dire, le meilleur rapport possible entre les actifs et les dépendants pour les prochaines 20 ou 25 années à venir. Evidemment, cela dépend du degré d’éducation de la population, qui est encore très bas. C’est là le principal défi de l’économie et de la société brésilienne. Si on réussit à le surmonter, le futur peut être envisagé avec optimisme, mais c’est un très grand défi, il faut le reconnaître.
Par ailleurs, on doit encore bénéficier de notre « bonus démographique », c’est-à-dire, le meilleur rapport possible entre les actifs et les dépendants pour les prochaines 20 ou 25 années à venir. Evidemment, cela dépend du degré d’éducation de la population, qui est encore très bas. C’est là le principal défi de l’économie et de la société brésilienne. Si on réussit à le surmonter, le futur peut être envisagé avec optimisme, mais c’est un très grand défi, il faut le reconnaître.