L’envergure du nouveau cycle monétaire américain est encore mal évaluée par les marchés

26 Septembre 2014
Rémi Lepage



Alors que les cycles monétaires sont en voie de divergence de part et d’autre de l’Atlantique, les facteurs d’incertitude sont nombreux sur les marchés obligataires. Le consensus des analystes de marché évalue encore mal l’impact du resserrement monétaire à l’œuvre aux Etats-Unis.

Le taux à deux ans U.S. devrait théoriquement se situer entre 1,30 % et 1,50 %

Selon Thibault Prébay, Directeur de la gestion Taux chez Quilvest Gestion, « si l’ensemble des investisseurs commencent à intégrer une première hausse des taux directeurs de la Fed au premier semestre 2015, ils anticipent surtout une remontée très graduelle. Le consensus table sur un objectif à long terme de 2,5% pour les taux Fed Funds. C’est sous-estimer l’ampleur du resserrement, qui se justifie désormais par la robustesse des indicateurs économiques américains. Nous pensons plutôt que les taux directeurs atteindront assez rapidement 4%, selon une progression par palier de 0,25% lors de chaque réunion monétaire à compter d’avril 2015 ».
 
Plusieurs anomalies de marché sont aujourd’hui préoccupantes, c’est le cas sur les taux à deux ans américains. Thibault Prébay constate que « l’emprunt d’Etat à deux ans procure encore une rémunération excessivement faible au regard de l’avancée du cycle monétaire et des composantes économiques américaines. Alors que la Fed est assez claire quant au calendrier du resserrement monétaire, le niveau du taux à deux ans U.S. devrait théoriquement se situer entre 1,30% et 1,50% aujourd’hui. Or, celui-ci plafonne encore à 0,55%. Cet écart de valorisation pourrait susciter  d’importantes corrections, avec une hausse brutale des taux obligataires d’ici la fin d’année ».

L'inflation se maintiendra à un niveau faible

Concernant zone euro, la fébrilité de la reprise économique a incité la Banque Centrale Européenne à redoubler d’efforts. Le niveau d’inflation risque de se maintenir à un niveau durablement faible, autour de 0,5%. « Les raisons sont structurelles. Les tendances démographiques, en particulier le faible taux de natalité constaté dans bon nombre de pays européens, contribuent à freiner la consommation et les dépenses des populations. Cela va peser sur la croissance économique européenne dans les années à venir » explique Thibault Prébay 
 
L’assouplissement monétaire de la BCE a permis à réduire significativement les écarts entre les taux de financement des différents Etats au cours des dernières années.« Nous observons un resserrement global des spreads et donc une re-corrélation des taux souverains vers des niveaux planchers. Ce mouvement a réduit les opportunités d’arbitrage géographique, puisqu’en relatif, les taux souverains des pays périphériques ne procurent quasiment plus de surprime de risque par rapport aux taux core, historiquement bas ».

Obligations convertibles

Dans ce contexte, l’équipe de Quilvest Gestion continue de privilégier une stratégie d’investissement prudente. « Nous restons à l’écart des emprunts d’Etat, dont l’essentiel de la convergence a été réalisée. Leurs niveaux de valorisation ne sont plus attrayants. Sur le marché du crédit corporate européen, nous limitons notre exposition au segment High Yield de notation ‘B’, souvent dépendant de la croissance économique. En revanche, nous privilégions les maturités courtes et couvrons les obligations longues (celles dont la maturité est supérieure à 5 ans) via des futures, pour réduire le risque de taux. Les obligations ‘short duration’ libellées en euros sont intéressantes. Nous apprécions également les obligations convertibles. Ces titres apparaissaient relativement ‘chers’ en début d’année. Leurs contreperformances récentes offrent désormais des points d’entrée à nouveau attrayants » conclut Thibault Prébay.

Rémi Lepage