Le péril vieux

1 Juillet 2015
Rémi Lepage

La France ne tire pas suffisamment profit du potentiel économique de ses travailleurs seniors.



Dans sa dernière étude « PwC Golden Age Index : how well are OECD economies adapting to an older workforce ? », le cabinet d’audit et de conseil PwC compare l’emploi des seniors (travailleurs âgés de plus de 55 ans) dans 34 pays de l’OCDE. La France est classée 24ème sur 34 pays de l’OCDE.

200 milliards d'euros...

Parmi les grands enseignements de cette étude :
Si le taux d’emploi des travailleurs français âgés de 55 à 69 ans égalait celui de la Suède - le pays européen le plus performant en termes d’emploi des seniors, le PIB de la France augmenterait d’environ 200 milliards d’euros. Si l’indice de la France a progressé de 6,5 points, passant de 42,4 à 48,9 entre 2003 et 2013, son classement stagne : la France est toujours 24ème sur 34 pays étudiés. L’Islande arrive en tête du classement avec un indice de 93,4 points, devant la Nouvelle-Zélande (79,7), la Suède (78,2), Israël (77,1) et la Norvège (74,5). Le Chili et Israël ont connu la meilleure progression en 10 ans, tandis que la Grèce et la Turquie sont les pays qui ont le plus régressé en matière d’emploi des seniors. Les Etats membres de la zone Euro ont enregistré de mauvaises performances, puisque seuls trois pays – l’Estonie, la Finlande et l’Allemagne – présentent des indices supérieurs à la moyenne (établie à l’indice 50 en 2003).
   

Des effets positifs long à se faire sentir

Les économistes de PwC estiment que les pays de l’OCDE pourraient gagner chacun plusieurs milliards de dollars supplémentaires s’ils exploitaient pleinement le potentiel économique de leurs travailleurs seniors. En France, l’adoption de mesures en faveur du travail des seniors pourrait faire croître le PIB de la France – évalué par le FMI en avril 2015 à 2 181 milliards d’euros – d’environ 10 %, soit un gain de plus de 200 milliards d’euros. Mais ces gains seront à évaluer sur le long terme. La Suède, qui fait aujourd’hui figure de modèle en Europe, a lancé cette politique favorable aux travailleurs seniors au début des années 1990, aussi la France ne pourrait espérer en ressentir les effets positifs que d’ici deux décennies. 
 
Selon Olivier Salesse, Directeur Strategy chez PwC : « Etant donné le vieillissement de la population dans les pays développés, ces derniers doivent capitaliser sur leurs travailleurs seniors pour renforcer leur croissance, mais aussi contribuer au financement des retraites et des frais de santé. Le Golden Age Index de PwC identifie les pays qui ont pris de l’avance, comme les pays scandinaves, la Nouvelle-Zélande et Israël, et ceux qui peuvent mieux faire - la France par exemple. En s’inspirant des politiques mises en place dans les pays les plus performants, notamment la Suède, la France a les ressources pour faire croître son PIB d’environ 200 milliards d’euros à long terme.»

Les gouvernements doivent investir

Le Golden Age Index suggère que les gouvernements des pays étudiés devraient envisager de prendre les mesures suivantes pour encourager l’emploi des seniors :
Réformer en profondeur leurs systèmes de retraite pour repousser l’âge des départs à la retraite ; Créer de réelles incitations financières pour motiver les travailleurs à rester sur le marché du travail plus longtemps, ou à les réintégrer ; Mettre en place des programmes de formation pour améliorer l’employabilité des seniors ; Supprimer les barrières à l’emploi et soutenir le recrutement de travailleurs seniors ; Soutenir spécifiquement l’emploi des femmes seniors, qui tendent à être moins nombreuses sur le marché du travail que leurs homologues masculins. Selon Olivier Salesse : " Des mesures telles que des exonérations fiscales pour les entreprises employant des travailleurs séniors, l’augmentation des dépenses de formation pour ces travailleurs – comprenant des formations à l’environnement digital et de l’apprentissage ; et des lois pour lutter contre la discrimination par l’âge, peuvent être considérées comme autant de moyens d’augmenter la participation sur le marché du travail des personnes de plus de 55 ans."

Des défis pour les entreprises

 
  Pour les entreprises, les travailleurs seniors représentent des opportunités mais aussi des défis Le Golden Age Index révèle les opportunités ainsi que les défis que peuvent représenter les seniors pour les entreprises : En faisant meilleur usage des compétences et de l’expérience des travailleurs seniors, les entreprises pourront gagner en avantage compétitif à l’heure où l’âge moyen des consommateurs ne cesse de s’élever. Les employeurs devraient repenser leurs politiques de formation en interne, afin qu’elles ne se limitent pas aux collaborateurs de moins de 50 ans. Des collaborateurs plus âgés devraient rechercher de nouveaux avantages auprès de leur employeur, notamment en termes d’équilibre entre salaire, retraite et prise en charge des soins médicaux. Face à cette évolution, les entreprises auraient intérêt à mener une évaluation des profils de leurs collaborateurs en termes d’âge, qui couvrirait le recrutement, la rétention des talents, la formation, la rémunération et les performances. Méthodologie : le Golden Age Index est obtenu en calculant la moyenne pondérée des indicateurs du marché du travail suivants (avec les pondérations relatives entre parenthèses) : le taux d’emploi des 55-64 ans (40%), le taux d’emploi des 65-69 ans (20%), l’écart entre les hommes et les femmes de 55-64 ans en matière d’emploi : le ratio hommes/femmes (10%), la fréquence du travail à temps partiel pour les 55-64 ans (10%), la rémunération à temps plein des 55-64 ans par rapport à celle des 25-54 ans (10%), l’âge effectif moyen du départ à la retraite (5%), la participation aux programmes de formation des 55-64 ans (5%).

Rémi Lepage