Le pessimisme des dirigeants vis-à-vis de la croissance mondiale

23 Janvier 2020
Rémi Lepage



Présentée aujourd’hui à l’ouverture du Forum économique mondial à Davos, la 23ème édition de la "Global CEO Survey", menée entre septembre et octobre 2019 auprès de quelques 1600 dirigeants d’entreprise dans 83 pays, donne les tendances sur le climat des affaires en 2020, dont pour la première fois en France.

La confiance des dirigeants en déclin, la France plus optimiste ?

Pour l’année à venir, seuls 27 % des dirigeants se déclarent « très confiants » dans la croissance de leur entreprise au cours des douze prochains mois (contre 35% l’an passé). Il s’agit du plus faible score observé depuis 2009. Si les niveaux de confiance sont globalement en berne à travers le monde, on constate d’importants écarts d’un pays à l’autre : la Chine et l’Inde affichent les taux de confiance les plus élevés parmi les grandes économies (45 % et 40 % respectivement), suivies des États-Unis (36 %), du Canada (27 %), du Royaume-Uni (26 %) et de l’Allemagne (20 %). En France, les dirigeants sont 18 % à se déclarer très confiants. Ces derniers restent néanmoins optimistes puisqu’ils sont 62% à être « assez confiants » dans les perspectives de croissance de leur propre entreprise, soit une moyenne supérieure au niveau mondial (45%).

L’analyse menée par PwC auprès des dirigeants sur les dix dernières années montre que leur confiance envers les perspectives de croissance du chiffre d’affaires de leur entreprise est corrélée statistiquement avec la hausse réelle du PIB mondial durant l’année suivante. Ainsi, la confiance des dirigeants dans leur propre croissance constitue un indicateur majeur des perspectives de croissance économique mondiale (voir graphique). Si cette tendance se vérifie, la croissance mondiale pourrait ainsi pointer à 2,4 % en 2020, en deçà de nombreuses estimations, dont celle du FMI formulée à 3,4 % en octobre dernier.

 

 

 


53 % des dirigeants craignent un ralentissement de la croissance économique

« Cette année, le pessimisme des dirigeants continue de grandir et atteint un plus bas niveau comparable à 2009, au moment de la crise des subprimes. Anticipent-ils une crise ? Autre hypothèse : les enjeux climatiques, la disruption technologique, la montée des inégalités, le vieillissement de la population et les taux d’intérêts négatifs provoquent des conséquences politiques et sociétales encore mal comprises. Ce nouvel environnement bouleverse profondément les stratégies d’entreprises. Le prisme unique de la création de valeur au profit du seul actionnaire est remis en cause. Le dirigeant doit prendre en compte toutes ses parties prenantes pour agir au cœur même de la société et de son environnement. L’urgence est là ! », explique Bernard Gainnier, Président de PwC France et Afrique francophone.

 

Au-delà de leurs propres perspectives de croissance, les dirigeants mondiaux sont également pessimistes s’agissant de la croissance économique mondiale.  53 % d’entre eux craignent un ralentissement de la croissance économique en 2020, contre 29 % en 2019 et à peine 5 % en 2018. Il s’agit du score le plus élevé depuis que PwC pose cette question dans le cadre de son baromètre annuel. Le nombre de dirigeants prévoyant une amélioration de la croissance économique a chuté de 42 % en 2019 à seulement 22 % en 2020. Cette tendance est particulièrement marquée en Amérique du Nord, en Europe de l’Ouest et au Moyen-Orient, où ils sont respectivement 63 %, 59 % et 57 % à anticiper une détérioration de la croissance mondiale dans l’année à venir. En France, plus d’un dirigeant sur deux pensent que le PIB mondial va chuter en 2020 (51%, soit -2 points par rapport au niveau mondial).


La Chine en quête de croissance se détourne des États-Unis

Au classement global, les États-Unis conservent de justesse leur rang de premier marché cible pour générer de la croissance sur les douze prochains mois : 30 % des dirigeants le désignent comme tel, soit un point de pourcentage au-dessus de la Chine (29 %). Cependant, les tensions politiques et commerciales actuelles ont fortement dégradé l’attractivité des États-Unis aux yeux des dirigeants d’entreprise chinois.  Cette perte pour les États-Unis joue en faveur de l’Australie : les chefs d’entreprise chinois sont désormais 45 % à faire figurer le continent australien parmi leurs trois principaux marchés de croissance, contre 9 % seulement il y a deux ans.

Le top 5 des pays générateurs de croissance reste par ailleurs inchangé par rapport à l’an dernier : on y retrouve l’Allemagne (13 %), l’Inde (9 %) et le Royaume-Uni (9 %), un résultat notable compte tenu des incertitudes suscitées par le Brexit). La France recule légèrement par rapport à l’année dernière pour se placer à la 8ème position en termes d’attractivité. 

 


Excès de réglementation, conflits commerciaux et croissance économique incertaine : le top 3 des menaces identifiées

Cette année, les dirigeants sont largement préoccupés par la croissance économique incertaine : elle fait un bon en troisième position des menaces pour les perspectives de croissance de leur entreprise. L’an passé, elle figurait en dehors du top 10, à la douzième position. L’excès de réglementation domine une fois de plus le classement, suivi des conflits commerciaux. Le changement climatique monte de deux places dans ce classement (12e), mais il ne figure toujours pas dans le top 10 des principales menaces perçues comme pesant sur la croissance, malgré le nombre croissant de catastrophes naturelles et l’intensité des débats. La cybersécurité (4ème position) ou les tensions géopolitiques (7ème position) demeurent parmi d’autres menaces identifiées.

Le déficit de compétences humaines constitue le principal frein à la croissance pour les entreprises françaises. Les conflits commerciaux arrivent à la seconde place du classement en France. Plus largement, la montée du populisme, le protectionnisme et les incertitudes géopolitiques inquiètent les dirigeants français.


Rémi Lepage