Mesurer la diversité peut-il aider à lutter contre les discriminations

4 Avril 2011



Il y a deux ans le débat centré sur la mesure de la diversité faisait polémique. Les entreprises avaient alors mis en place de nombreuses actions pour favoriser la diversité. Aujourd’hui, elles souhaitent communiquer sur ce sujet. Pour cela, elles n’ont pas hésité à créer des indicateurs. Onze grands groupes français ont ainsi travaillé avec Equity Lab et l'Association Française des Managers de la Diversité (AFMD) à la publication d'un référentiel d'indicateurs destiné à la réalisation d'un « rapport annuel des diversités ». Le 24 février 2011, le groupe de travail publiait un référentiel de 85 indicateurs destinés à mesurer la diversité dans les entreprises de plus de 300 salariés et à leur permettre de rédiger un rapport annuel. Un grand pas de fait.

Article publié pour la première fois, le 01/01/2009

Le commissaire à la Diversité, Yazid Sabeg, a créé un comité afin de déterminer comment mesurer la diversité et la discrimination. Pour un pays comme la France, la tâche s’annonce délicate puisque, conformément au pacte républicain, aucune donnée ne peut être rattachée à une origine raciale ou ethnique. Les choses pourraient donc bientôt changer. Pour expliquer un tel changement, l’argument est de dire que pour combattre un mal, il faut bien le connaître. Ainsi, des statistiques mesurant la diversité permettrait de mettre en place des politiques sociales mieux adaptées.

Pourtant, l’opinion publique ne semble pas être convaincue. D’après un sondage publié par Le Parisien, 55 % ne jugent pas efficace la mise en place de statistiques ethniques pour lutter contre le racisme ou les discriminations. Certains estiment même qu’elles pourraient avoir des effets pervers. Le président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), Louis Schweitzer, est ainsi hostile au concept de communauté et à celui des quotas (sauf dans le cas du handicap et de l'égalité entre hommes et femmes), ne souhaitant pas que la France soit divisée en « catégories ethno-raciales ».

« On ne morcelle pas la société parce qu'on mesure les inégalités »

Pour François Héran, directeur de l'Institut national d'études démographiques (INED) et président du comité pour la mesure de la diversité et l’évaluation des discriminations, c’est tout le contraire. « On ne morcelle pas la société parce qu'on mesure les inégalités de revenu, de santé ou d'éducation. On ne la divise pas davantage en mesurant l'ampleur des discriminations. Offrir à l'idéal républicain d'égalité des chances la possibilité de se mesurer au réel, ce n'est pas le miner, c'est le conforter » écrit-il dans Le Monde.

« Pour cela, la mesure de la diversité cherche à savoir si des personnes de même sexe et même âge, d'un milieu social comparable, à qualification donnée, voient leurs chances se réduire du fait d'origines différentes. Alors que la statistique ethnique fait une fixation sur l'origine en l'isolant du contexte, la mesure de la diversité est multidimensionnelle, elle replace les origines dans l'ensemble des facteurs qui modifient les chances d'accès aux biens de toute sorte : éducation, logement, emploi, santé » précise-t-il.

Le monde de l’entreprise est lui aussi confronté depuis longtemps à ce débat. D’un côté, on demande aux entreprises de mettre en place un décompte ethnique des salariés et de l’autre, on encourage l’expérimentation des Cv anonymes. Comment pouvoir concilier ces deux aspects ?