Quand Zola donne des cours de marketing…

30 Novembre 2009

Dans son roman « Au bonheur des dames » (1883), Émile Zola décrit avec précision l’essor des grands magasins parisiens et la mort violente des petits commerces. Il nous offre au passage des leçons de marketing impressionnantes pour « séduire » les femmes. Extraits choisis.



L’aménagement intérieur du magasin

"Il posait en loi que pas un coin du Bonheur des Dames ne devait rester désert ; partout, il exigeait du bruit, de la foule, de la vie, car la vie disait-il attire la vie, enfante et pullule. De cette loi, il tirait toute sorte d’applications. D’abord, on venait s’écraser pour entrer, il fallait que, de la rue, on crût à une émeute ; et il obtenait cet écrasement, en mettant sous la porte les soldes, des casiers et des corbeilles débordant d’articles à vil prix, si bien que le menu peuple s’amassait, barrait le seuil, faisait penser que le magasin craquaient de monde, lorsque souvent, il n’était qu’a demi plein."

La publicité

"La grande puissance était surtout la publicité. Mouret en arrivait à dépenser par an trois cent mille francs de catalogue, d’annonces et d’affiches. Pour sa mise en vente des nouveautés d’été, il avait lancé deux cent mille catalogues, dont cinquante mille à l’étranger, traduits dans toutes les langues. Maintenant, il le faisait illustrer de gravures, il les accompagnait même d’échantillons, collés sur les feuilles. Il professait que la femme était sans force contre la réclame, qu’elle finit fatalement par aller au bruit."

Le bon marché

"Il tendait aux femmes les pièges les plus savants, il les analysait en grand moraliste. Ainsi, il avait découvert qu’elle ne résistait pas au bon marché, qu’elle achetait sans besoin, quand elle croyait conclure une affaire avantageuse ; et, sur cette observation, il baisait progressivement les articles non vendus, préférant les vendre à perte, fidèle au renouvellement rapide des marchandises."

Le remboursement

"Il avait pénétré plus avant encore dans le cœur des femmes, il venait d’imaginer les rendus, un chef d’œuvre de séduction jésuitique. « Prenez toujours madame : vous nous rendez l’article, s’il cesse de vous plaire ». Et la femme qui résistait, trouvait là une dernière excuse, la possibilité de revenir sur sa folie : elle prenait la conscience en règle."