Révolution tunisienne: et l’économie dans tout ça ?

20 Janvier 2011



Les raisons de la colère en Tunisie sont nombreuses. Mais c’est un acte individuel qui a tout déclenché. Le 17 décembre, un jeune tunisien, Mohamed Bouazizi, s’immolé à Sidi Bouzid. Depuis cet événement, les manifestations et revendications n’ont cessé de grandir. Jusqu'à la révolution. Parmi les revendications ont retrouve bien sûr une volonté de plus grande liberté d’expression. Mais ce n’est pas cela qui a fait bouger les choses. Ce sont avant tout les conditions économiques qui ont poussé le peuple à se révolter.

L’idée de corrélation entre conditions économiques et révolte sociale n’est pas nouvelle. Amartya Sen, économiste lauréat du prix Nobel d’origine indienne, développait déjà,dans son ouvrage Poverty and Famines (1981), le lien entre famine, développement et démocratie. Avant d’être des mouvements pour les libertés, ce sont des mouvements contre la vie chère, le chômage et les injustices sociales.

Les émeutes ont surgit au moment où la Tunisie se targuer d'un fort taux de croissance

Selon Amartya Sen, la cause des famines réside dans l’absence de liberté plutôt que dans la croissance démographique (contrairement à Malthus). L’organisation sociale, en cas de baisse de la production, peut aggraver ou au contraire diminuer les problèmes de disette. Tout dépend du système économique dans lequel on se trouve. Dans un système ouvert, où chacun a le droit de produire et d’échanger, on favorise le développement. Dans un système fermé, où des profiteurs s’emparent des droits d’accès, le pire est presque sûr.

L’ironie veut d’ailleurs que les émeutes tunisiennes ont surgi au moment où le pays se targue d'une belle croissance (+ 3 %). Mais là encore, il s’agit surtout de répartition. A quoi servent cette performance si les jeunes, qui représentent près de 41 % de la population, n’y ont pas accès. Pour bien comprendre de quoi il en retourne, regardons la santé économique des trois pays du Maghreb : le Maroc, la Tunisie et l’Algérie.

Voici quelques données macroéconomiques qui permettent de bien distinguer le cas Tunisien : un taux de croissance fort, une inflation non contrôlée, un taux de chômage élevé (notamment chez les jeunes) et une richesse mal partagée.

Population, en millions :

Algérie : 35.5
Maroc : 32
Tunisie : 10,5

Part des moins de 25 ans dans la population, en % :

Algérie : 45,6
Maroc : 47,2
Tunisie : 40,8

Indice de développement (classement mondial) :

Algérie : 84ème sur 169
Maroc : 114ème
Tunisie : 81ème

Croissance du PIB, en % :

Algérie : 2,4
Maroc : 5.2
Tunisie : 3

Inflation, en % :

Algérie : 5.5
Maroc : 2
Tunisie : 4,2

Taux de chômage, en % :

Algérie : 11,3
Maroc : 9,1
Tunisie : 14,7

PIB/habitant, en dollars :

Algérie : 7 124
Maroc : 4 745
Tunisie : 8 559

Ces dernières semaines, seul le Maroc a été épargné par les révoltes. Et, comme par hasard, c’est celui qui dispose de la meilleure répartition des richesses qui ne connaît pas de mouvements sociaux.