Entretien avec Évelyne Bertin,
prospectiviste et psychanalyste, conseil de dirigeants
prospectiviste et psychanalyste, conseil de dirigeants
Économie et société : Beaucoup de personnes estiment que les nouvelles technologies, appliquées aux entreprises, permettent de rapprocher les gens et par la même d'améliorer la productivité. Qu'en pensez-vous ?
@Gilles Dacquin
Evelyne Bertin : Les nouvelles technologies permettent sans conteste des gains de productivité. Rationalisation et automatisation des process, gain dans la vitesse de transmission et de communication. Ce n’est peut-être pas le rapprochement des gens qui permet le gain de productivité. Les gains de productivité pour les entreprises internationales viennent surtout des différentiels de salaires entre les pays où sont fabriqués ces produits (Asie, Europe Centrale) et les pays où ils sont vendus (Europe, Amérique). Il est sur que l’amélioration des moyens de communication ont joué dans cet état de fait : transfert des technologies, des process, transferts monétaires, transfert de l’information.
Économie et société : Cela conduit notamment à une destruction des frontières entre vie privée et vie professionnelle. Est-ce dangereux ?
E. V : Le fait de recevoir un BlackBerry où un i-phone d’entreprise est souvent perçu par les collaborateurs à qui cela est donné comme un signe d’appartenance à une élite ou comme un signe de reconnaissance. Cela permet à l’entreprise un contact permanent avec ses collaborateurs et aux collaborateurs de penser qu’ils ne manqueront aucun message.
La vie privée et la vie professionnelle à un certain niveau de responsabilité sont fortement imbriquées. C’est à chacun de savoir quels sont ses attentes, ses investissements et ses espoirs liés au travail. Ce n’est qu’en se positionnant en tant qu’être responsables que les gens peuvent être acteurs de leur existence et pouvant savoir ce qu’ils sont prêts à donner à l’entreprise pour laquelle ils travaillent.
La vie privée et la vie professionnelle à un certain niveau de responsabilité sont fortement imbriquées. C’est à chacun de savoir quels sont ses attentes, ses investissements et ses espoirs liés au travail. Ce n’est qu’en se positionnant en tant qu’être responsables que les gens peuvent être acteurs de leur existence et pouvant savoir ce qu’ils sont prêts à donner à l’entreprise pour laquelle ils travaillent.
Économie et société : Jusqu'où peut aller ce phénomène ?
E. V : Si tout un chacun de s’oblige pas à des règles et à une gestion qui lui convienne de ses espaces privés et professionnels il peut vite être débordé. Ce phénomène renvoie à la capacité que tout un chacun a à pouvoir « répondre » à la demande de l’Autre et de l’Organisation.
"Les échanges virtuelles donnent l’impression d’un abolissement des espaces temps"
Les échanges virtuels peuvent donner l’impression d’un abolissement des espaces temps passé-présent-futur. C’est une forme de présent intense. Or pour avoir des relations de qualité et un rapport au monde qui s’inscrive du coté de la vie, l’être humain a besoin de se situer dans un passé-présent-futur.
Économie et société : Pourquoi les modes virtuelles peuvent conduire à modifier nos façons d'agir avec les autres ?
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E. V : La non-présence du corps dans les relations virtuelles fait que certains messages concernant l’appréhension et l’empathie envers l’Autre n’arrivent pas au cerveau. Cela provoque une désinhibition. Par exemple lors des échanges entre une personne travaillant dans un call center et un client, des comportements se manifestent que chacune des parties (émetteur et récepteur) ne s’autoriseraient jamais lors d’un échange dans le réel, c’est à dire en présence du corps des protagonistes. Le virtuel permet des comportements que des personnes en présence physique l’une de l’autre ne s’autoriseraient jamais, le corps servant de « limite » à notre conduite envers les autres et à notre rapport au monde.
Économie et société : Justement, comment faire pour intégrer de nouveaux du lien humain au travail ?
E. V : Intégrer de nouveaux liens humains ne peut se faire sans une volonté managériale forte. L’entreprise est un lieu de production de bien, c’est aussi un lieu de production de liens. Il nous semble important de construire le temps en réintroduisant des rituels qui relient en donnant sens au passé, présent et au futur. Il s’agit, à notre avis, de prendre en compte la part des hommes.
Ce que nous entendons par la part des hommes, c'est le plus d'humanité et de sens que l'être au travail peut chercher, trouver ou ne pas trouver dans le travail. La part des hommes va bien au delà de la « ressource humaine », c'est cet ensemble de mesurable et de non-mesurable qui a des effets sur la qualité des biens produits et sur la qualité des liens dans l'entreprise.
Ce que nous entendons par la part des hommes, c'est le plus d'humanité et de sens que l'être au travail peut chercher, trouver ou ne pas trouver dans le travail. La part des hommes va bien au delà de la « ressource humaine », c'est cet ensemble de mesurable et de non-mesurable qui a des effets sur la qualité des biens produits et sur la qualité des liens dans l'entreprise.