Criblé de dettes, le groupe minier anglo-australien Rio Tinto vient de se sortir d’une mauvaise passe par le biais d’un actionnaire pour le moins inattendu, le chinois Chinalco, dont la capitalisation boursière est considérablement moindre que celle de sa nouvelle proie. L’entreprise devra racheter, pour 19,3 milliards de dollars, des participations dans neuf actifs parmi les plus profitables de Rio Tinto, dans l’aluminium, le cuivre et le minerai de fer. La transaction a suscité de vives réactions en Australie, notamment de la part des autorités qui prétendent désormais, à la faveur d’une modification de législation réalisée pour l’occasion, à un droit de veto sur les investissements étrangers, dont la possibilité d’user d’instruments financiers.
Car Chinalco n’est pas une simple société de droit chinois : en effet, elle relève de l’Etat. « Malgré le fait que nous sommes une société d’Etat, nous opérons en toute indépendance. Toutes nos décisions liées au marketing, à la production ou aux dépenses d’investissement sont prises par le management en toute autonomie », a tenté de rassurer le PDG de Chinalco, Xiao Xaging. Mais l’opération ne semble pas étrangère à la stratégie de Pékin, qui profite des niveaux relativement bas des prix des matières premières pour renforcer ses positions sur un segment crucial de l’économie. L’enjeu est de sécuriser les approvisionnements tout en développant une certaine influence.
Les nombreux investissements réalisés en Afrique témoignent de cette volonté. Depuis la fin des années 1990, la présence chinoise en Afrique n’a cessé de prendre des proportions grandissantes. Depuis 2005, la puissance asiatique est le troisième partenaire commercial de l’Afrique, derrière les Etats-Unis et la France; tandis qu’en dix ans, le commerce bilatéral entre la Chine et les pays africains a été multiplié par quatre, atteignant dix milliards de dollars. La Chine, qui n’est plus autosuffisante en pétrole depuis 1993, dépend de ressources africaines pour 25% de ses fournitures. Le président Hu Jintao a entamé, il y a quinze jours, une tournée diplomatique en Afrique noire, basée sur l’aide financière et la coopération économique. Toutefois, pour le ministère chinois des Affaires étrangères cité par Le Figaro, les pays qui feront l’objet de transferts financiers cette année « ne possèdent pas beaucoup de ressources énergétiques et minérales : notre relation avec les pays africains n’est pas seulement basée sur l’énergie et les ressources ».
La Chine ne recule devant rien
A l’échelon national, l’emprise sur les matières premières se caractérise par un certain interventionnisme sur le front du maïs. Le deuxième producteur au monde (20% de la production internationale, à 156 millions de tonnes selon les sources officielles) effectue, avec cette culture, une opération autant alimentaire que politique. Afin de garantir la stabilité des prix, les autorités s’investissent pleinement sur les marchés : en août 2008, en pleine spirale haussière, des actions en faveur d’une baisse des prix moyens a été entreprise, tandis qu’à la fin de l’année dernière, le rachat de 3.000 tonnes de maïs (soit 50 % de la production des trois premières régions cultivatrices) devait enrayer la chute des prix.
« Avec un tel dynamisme, la Chine suscite la convoitise… mais elle fait également peur », conclut une étude de la Chambre de Commerce de Paris. Avec un chiffre symbolique : en 2003, la Chine a représenté 95 % de la demande globale d’acier et de 99 % pour le zinc. La possibilité de Pékin d’instrumentaliser les cours de certaines commodités semble dès lors difficilement contournable.