Depuis des mois, voire des années, plusieurs banques centrales procèdent à un gigantesque assouplissement quantitatif. L’idée est de stimuler l’inflation au travers de la création monétaire. Elles acquièrent donc des obligations souveraines en contrepartie d’une émission de monnaie. Le stock de cette dernière en est amplifié.
Un cercle vicieux
Crédit : banque centrale par Shutterstock
Mais le problème est que ces opérations n’atteignent pas leur objectif : le taux d’inflation reste faible. Ceci est expliqué par le fait que d’autres forces, relevant de l’économie réelle, contrarient ces injections monétaires : contexte déflationniste et récessionnaire, vieillissement de la population, vague de digitalisation, inégalités croissantes de revenus, etc. Les banques centrales doivent néanmoins poursuivre leurs achats de titres car tout arrêt de l’assouplissement quantitatif conduirait à une hausse des taux d’intérêt qui contrarierait l’espoir d’une reprise stimulée par l’inflation. C’est à ce niveau qu’un autre problème se pose : les banques centrales sont confrontées au fait que des limites naturelles ou statutaires contraignent les achats d‘obligations souveraines.
C’est ainsi que ces banques centrales acquièrent des obligations émises par des entreprises. Certaines vont même plus loin, en acquérant des actions de sociétés privées. C’est ainsi que la Banque Nationale Suisse a acquis des actions pour 100 milliards de dollars, dont 54 milliards en actions américaines de type Apple et Coca-Cola. La Banque centrale du Japon est en train de devenir un des principaux actionnaires d’une petite centaine d’entreprises nippones cotées pour un montant approchant 100 milliards de dollars, tandis que la Banque centrale chinoise a fait de même pour contrarier les chutes de cours. Et d’aucuns supputent que la BCE pourrait faire de même.
C’est ainsi que ces banques centrales acquièrent des obligations émises par des entreprises. Certaines vont même plus loin, en acquérant des actions de sociétés privées. C’est ainsi que la Banque Nationale Suisse a acquis des actions pour 100 milliards de dollars, dont 54 milliards en actions américaines de type Apple et Coca-Cola. La Banque centrale du Japon est en train de devenir un des principaux actionnaires d’une petite centaine d’entreprises nippones cotées pour un montant approchant 100 milliards de dollars, tandis que la Banque centrale chinoise a fait de même pour contrarier les chutes de cours. Et d’aucuns supputent que la BCE pourrait faire de même.
Privatisation de la monnaie
La monnaie, qui est un bien public, est donc gagée par des titres de propriété privée. C’est intuitivement un facteur qui sous-tend la croissance des bourses. Est-ce sain ? Je ne crois pas. Ce n’est pas le rôle des banques centrales de capturer l’actionnariat privé, même sous une forme marginale, en devenant une gigantesque sicav. Bien sûr, il se trouvera quelques chercheurs pour expliquer qu’une acquisition d’actifs privés ressemble à ce que des banques commerciales effectuent et que les montants sont faibles par rapport à la capitalisation globale des actions cotées.
Il n’empêche : cela ressemble d’ailleurs à une nationalisation rampante de l’économie de marché, tout en pouvant contribuer à une élévation artificielle du prix des actifs, sans imaginer ce qui se passera lorsque les banques centrales remettront ces titres sur les marchés. Pouvons-nous d’ailleurs affirmer que nous évoluons en économie de marché lorsque des organismes publics, telles les banques centrales, jouent un tel rôle dans les circuits financiers ? Je ne le crois pas.
A propos de l'auteur : Bruno Colmant est chef économiste de la Banque Degroof Petercam.
Il n’empêche : cela ressemble d’ailleurs à une nationalisation rampante de l’économie de marché, tout en pouvant contribuer à une élévation artificielle du prix des actifs, sans imaginer ce qui se passera lorsque les banques centrales remettront ces titres sur les marchés. Pouvons-nous d’ailleurs affirmer que nous évoluons en économie de marché lorsque des organismes publics, telles les banques centrales, jouent un tel rôle dans les circuits financiers ? Je ne le crois pas.
A propos de l'auteur : Bruno Colmant est chef économiste de la Banque Degroof Petercam.