La réouverture des commerces non alimentaires en France, suite à la levée des mesures gouvernementales à l’occasion du déconfinement, place les acteurs de ce secteur d’activité devant de nombreux défis. Particulièrement les adaptations nécessaires pour permettre à la clientèle comme aux indépendants et collaborateurs, de s’approprier les surfaces de vente, en tenant compte des consignes de sécurité sanitaire. Mais l’enjeu fondamental réside dans le fait que les commerçants vont être confrontés à une reprise de la consommation incertaine. En effet, ces dernières semaines ont vu les Français se recentrer sur une consommation plus essentielle, limitée à l’alimentation. D’autres ont opté pour une “déconsommation” réfléchie où le lèche-vitrine ne fera plus partie de leurs priorités.
Que faire face au trafic plus dense dû aux soldes ?
Si les aides de l’Etat (prêt Atout, fonds de solidarité) pour garantir la pérennité de leur commerce sont maintenues jusqu’en juin au moins, ils vont devoir revoir leur prévision de gestion d’ici à la fin de l’année. Précisément, chercher des marges de manoeuvre pour restaurer leur trésorerie. En effet, les deux mois contraints de fermeture ont entraîné une hausse des coûts de leurs stocks. Autant de marchandises qu’il sera nécessaire d’écouler pour pouvoir recouvrir les créances des fournisseurs.
De fait, l’inquiétude suscitée par l’arrivée des soldes prévus le 24 juin est compréhensible. L'engouement connu pour les bonnes affaires suscite toujours un fort trafic clients dans les commerces, qui vont être confrontés cette fois à la distanciation physique et aux mesures barrière. D’autre part, les commerces non alimentaires sont très souvent exposés à la saisonnalité des collections, des produits, donc de leurs ventes. A titre d’exemple, dans le prêt-à-porter, les collections de printemps n’ont pas eu le temps de « vivre » du fait de la fermeture administrative liée au confinement.
Aussi, le Gouvernement planche actuellement pour repousser les soldes d’été au plus tôt à la mi-juillet. Ce délai supplémentaire permettrait pour le secteur de l’habillement, de la chaussure et de la beauté par exemple, en maintenant la marge habituelle sur les ventes, de limiter les pertes financières et de libérer les réserves de marchandises. Pour d’autres, leurs stocks d’hiver arriveront dès la mi-août 2020 et poseront là aussi des problèmes d’entreposage.
Une politique commune difficile
Se pose aussi la question de la solidarité entre les commerçants indépendants et les franchises et acteurs du e-commerce. Les premiers appellent l’Etat à un gel symbolique des promotions proposées en dehors des périodes de soldes ou à l’approche de celles-ci, qui se sont développées au sein des grandes enseignes. Ceci au motif de ne pas provoquer un affaiblissement supplémentaire des petits commerçants. Il s’agira de voir comment le Droit est adaptable en la circonstance et surtout si les règles communautaires en matière de libre concurrence et de prix, peuvent être assouplies.
Cependant, les marges de manoeuvre sur le plan européen seront très limitées pour que la France puisse avoir une influence sur une éventuelle position ou harmonisation communautaire. Et les exemples des pays membres qui auraient pu alimenter la réflexion des pouvoirs publics français sont beaucoup trop hétérogènes. En effet, l’Autriche qui s’est déconfinée le 2 mai, a opté pour des soldes immédiats, afin de relancer l’économie. En Italie, la position n’est pas arrêtée, mais 52% des commerces de détails souhaitent un report. L’Espagne, pour sa part, a interdit les soldes en magasins mais pas en ligne. Au Royaume-Uni, les soldes ne sont pas réglementés. Pour autant le confinement a été prolongé.
Le Ministre de l’Economie et des Finances fera connaître sa position d’ici la fin mai. Espérons que le regain pour les commerces de proximité sur le plan alimentaire encouragé par la crise suscitera le même engouement pour les commerces non alimentaires de la part des Français.
A propos de l'auteur : Antoine Sentis est directeur marketing et communication du Groupe EBP.