Faisons simple
Accepteriez-vous d’avoir des micros dans votre maison, que votre logiciel de traitement de texte soit analysé en continu ou bien encore que le téléphone de vos enfants soit sur écoute ? Bien entendu que non ! Et pourtant, cela va arriver à chacun d’entre nous dans un futur proche, lorsque les premiers décrets d’application de la loi sur le renseignement nous y contraindront, nous, entrepreneurs du numérique. L’heure est grave car cette loi, sous couvert d’un texte anti-terroriste, porte atteinte à mes libertés fondamentales de citoyen, mais également à mes valeurs et perspectives économiques en tant que chef d’entreprise.
Pensons ensemble à demain. La contestation de la loi sur le renseignement s’est cristallisée autour du mouvement « Ni pigeons, ni espions ». Mouvement unanime dans le secteur du « digital » car nous sommes mieux placés que quiconque pour voir arriver deux menaces : l’impact d’une telle loi sur l’économie française, à court terme, et les dérives possibles d’un système de surveillance massif, à moyen terme. Je reste persuadé que la première menace n’a pas été réellement mesurée par nos politiques ; quant à la seconde, j’ai bien peur qu’elle ne soit pas perçue comme telle pour nos institutions en perte de contrôle sur la réalité.
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En effet, les hébergeurs français devront délocaliser leurs datacenters (et leurs emplois), nos champions de l’Internet des objets devront expliquer que le capteur connecté dans votre salon n'est pas un espion (alors qu'il le sera), les éditeurs de logiciels en ligne devront convaincre les professionnels qu’ils n'ont pas à craindre l'espionnage industriel (quand bien même ils n’en seront pas sûr)... Pour ma société, Cloud is Mine, qui accompagne avec conviction les PME dans le cloud pour leur faire profiter de nouveaux relais de croissance ; comment expliquer que leurs données ne sont plus en sécurité aujourd’hui ? Ce ne sont pas seulement les acteurs du numérique qui sont impactés ; mais aussi ces 1 500 000 entreprises qui deviennent plus compétitives et se développent grâce aux logiciels en ligne.
Arrêtons l’atteinte à nos libertés
La peur ne doit pas guider nos choix et être à l’origine de lois qui vont à l’encontre des libertés que nous sommes des millions à avoir défendu en descendant dans la rue le 11 janvier 2015. A ce rythme-là, la fin de toute liberté individuelle est programmée car notre société abonde d’appareils connectés à Internet qui sont potentiellement autant de moyens d’analyser nos comportements. Et si vous avez quelques affinités avec l’algorithme prévus par la loi - inconnu à ce jour - vous aurez même la chance d’être surveillé. La loi offre aux services de renseignements la possibilité de nous placer sous surveillance pour la « prévention du terrorisme ». Certes. Mais aussi de nous espionner pour des raisons relativement interprétables comme la « défense des intérêts majeurs de la France ». Ni vous ni moi n’aurons accès à cette liste des intérêts majeurs de la France qui restent, bien entendu, à la seule discrétion du Gouvernement. Je risque d’ailleurs potentiellement, au travers de ce plaidoyer, d’activer ce fameux algorithme après avoir utilisé quelques mots-clés : terroriste, gouvernement... Ma webcam est-elle déjà en train de me filmer ? Avec cette nouvelle loi, personne ne pourra le dire demain ; et ce en total désaccord avec la CNIL qui reste un garde-fou indépendant mais malheureusement impuissant.
Naviguons, nous sommes filmés. Nos hommes politiques sont généralement peu au fait de l’économie numérique. Des rapports sont commandés pour créer de l’emploi et de la compétitivité… mais tous terminent bien rangés aux archives. En revanche, depuis 2001 et la justification de la guerre contre le terrorisme pour mieux contrôler les masses, la France a connu plus de 8 lois liberticides. Certaines se sont soldées par un échec d’application cuisant comme DADVSI ou Hadopi 2. Qu’en sera-t-il de la loi sur le renseignement ? Près de deux-tiers des Français, encore sous le coup de l’émotion après les attentats terroristes de janvier dernier, sont a priori d’accord avec cette loi. Effectivement, quoi de plus simple que de profiter de la peur de nos concitoyens en réalisant une loi liberticide quelques semaines après un attentat majeur sur notre territoire ? N’instrumentalisons pas politiquement ce qui a rassemblé des millions de Français ! Travaillons dans l’intérêt collectif de notre pays. Ce sont pourtant les hommes et les femmes de notre gouvernement qui s’insurgeaient il y a quelques années que la question des libertés individuelles était « maintenue hors du débat public »…
La politique des uns et des autres nous importe peu, nous, entrepreneurs du numérique. Nous nous sommes engagés depuis longtemps pour aider notre pays à avancer. Nous restons à la disposition de toutes les bonnes volontés qui iront dans ce sens. En revanche, être la personne qui sera derrière chaque Français lorsqu’il naviguera sur Internet ne fait pas partie de cet engagement.
A propos de l'auteur : Colin Lalouette est président de Cloud is Mine.