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Parmi les questions entourant la rémunération des dirigeants sociaux, il y en a une qui demeure difficile à résoudre dans le silence des textes. Cette question concerne le point de savoir si une rémunération au titre d’un mandat social doit nécessairement être votée préalablement à son versement ou si cette rémunération peut faire l’objet d’une décision collective a posteriori validant son principe et son montant.
Des stratégies individuelles au préjudice de l’intérêt social.
L’hypothèse qui nous préoccupe plus particulièrement est celle du dirigeant-associé. Il est de nombreux cas où ce dirigeant ne peut, compte-tenu des règles relatives au non cumul d’un contrat de travail, espérer percevoir une rémunération qu’en contrepartie de l’exercice de son mandat social. Si le principe de cette rémunération apparaît légitime dans la limite du raisonnable, la pratique montre, dans des hypothèses de conflits entre associés, que les parties n’hésitent pas à mettre en avant des stratégies individuelles au préjudice de l’intérêt social.
La question est analysée ci-après pour les sociétés à responsabilité limitée (SARL) et pour les sociétés par actions simplifiée (SAS).
I. La rémunération du gérant de SARL
Le Code de commerce est muet et ne contient aucune disposition relative à la rémunération des gérants. Dans ces conditions, les associés conviennent librement des modalités de fixation et de versement de celle-ci dans les statuts ou par décision collective.
En pratique, la rémunération est rarement déterminée dans les statuts puisque ceux-ci sont publics et surtout, toute évolution de la rémunération nécessiterait de faire modifier les statuts et donc de réunir une assemblée générale extraordinaire ce qui implique un formalisme très lourd.
Par conséquent, la rémunération du gérant est pratiquement toujours décidée par une décision de l’assemblée générale ordinaire. Le gérant qui ne parvient pas à obtenir une décision des associés ne peut pas demander au juge la fixation de celle-ci, ce dernier ne pouvant se substituer aux associés même quand leur refus est abusif. Dans un tel cas, il appartient au gérant d’agir en responsabilité contre la société en démontrant que le refus des associés est abusif et qu’il lui cause un préjudice.
A défaut de décision collective autorisant une rémunération, le fait pour un gérant de s’octroyer une rémunération de manière unilatérale l’expose à des poursuites civiles ou pénales.
Deux décisions du 25 septembre 2012 peuvent être soulignées, étant précisé que les deux ont été rendues dans des espèces où l’entreprise concernée venait d’être cédée et le cessionnaire cherchait à faire annuler la rémunération du gérant, d’où une approche très ROIste de la procédure :
- dans la première, la Cour de cassation a censuré une Cour d’appel qui avait considéré que le gérant et son épouse « étant les seuls associés de la société cédée, il est sans intérêt de s’attacher à déterminer si les prélèvements critiqués ont été ou non autorisées par l’assemblée générale » (Cass. com. 25 septembre 2012, n°11-22754) ;
- dans la seconde, elle a conclu à l’annulation de la décision fixant la rémunération du gérant d’une EURL car celle-ci n’avait pas été inscrite dans le registre des décisions de l’associé unique visé par l’article L. 223-31, troisième alinéa (Cass. com. 25 septembre 2012, n°11-22337).
Une délibération des associés ou de l’associé unique est donc indispensable et le respect du formalisme s’impose. Ces décisions ne tranchent pas cependant la question de savoir si la délibération en question doit être préalable.
II. La rémunération des dirigeants de la SAS
Le Code de commerce est également muet sur le régime de la rémunération des dirigeants de SAS. Les associés de la SAS peuvent donc organiser librement dans les statuts le régime de la rémunération de ces derniers et les modalités applicables à son versement.
Dans la plupart des cas, il appartient aux associés de fixer la rémunération du dirigeant par une décision collective.
Cependant, en SAS, il est également possible de confier cette responsabilité à un autre organe comme un comité spécifique voire à un tiers. Dans une telle hypothèse, la rémunération du dirigeant est considérée comme une convention réglementée. Cela signifie qu’elle sera soumise a posteriori à l’approbation des associés dans le rapport spécial du président ou de celui du commissaire aux comptes. Si la rémunération du dirigeant n’était pas approuvée par les associés, la convention ne serait pas nulle pour autant. Ses effets se poursuivraient à charge pour les intéressés et éventuellement pour le président et les autres dirigeants d’en supporter les conséquences dommageables pour la société.
On pourrait donc se retrouver avec une rémunération de dirigeant valable alors qu’aucune décision collective ne serait intervenue, à charge pour les intéressés d’en supporter les conséquences dommageables.
A l’inverse et en cas d’approbation de la convention réglementée relative à la rémunération du dirigeant, on se retrouve en présence d’une décision collective validant a posteriori celle-ci ce qui militerait en faveur de la reconnaissance de la validité d’une décision fixant ou ratifiant une rémunération postérieurement à son versement.
La vigilance s'impose dans un contexte de transmission d'entreprise
En conclusion, la loi et l’état de la jurisprudence ne permettent pas de trancher avec certitude la question posée. Dans l’attente d’une éventuelle clarification à ce sujet, il conviendra donc de s’en remettre à la prudence et au bon sens.
Dans un contexte de transmission d’entreprise, une vigilance particulière s’impose de façon à ne pas encourir un risque d’annulation de la rémunération du dirigeant sur la demande du repreneur qui contesterait les conditions de validité et de forme de la décision ayant octroyé la rémunération.
Le plus simple serait d’affirmer qu’il convient de fixer la rémunération par une décision collective préalable afin d’éviter tout risque de remise en cause. Faut-il pour autant en conclure que cette contrainte s’impose en toutes circonstances y compris dans des hypothèses de mésentente entre associés marquées par des conflits qui peuvent amener à une forme d’instrumentalisation des assemblées ? Cela ne peut être le cas.
Dans l’absolu, le dirigeant qui n’arrive pas à obtenir une délibération sur sa rémunération devrait poursuivre les associés sur le fondement de leur refus abusif. Il y a compte-tenu des délais de procédure un caractère anachronique à cette situation qui n’échappe à personne…
A propos des auteurs : Nicolas Sidier, Avocat associé, et Pierre Détrie, Avocat à la cour chez Péchenard & Associés.
La question est analysée ci-après pour les sociétés à responsabilité limitée (SARL) et pour les sociétés par actions simplifiée (SAS).
I. La rémunération du gérant de SARL
Le Code de commerce est muet et ne contient aucune disposition relative à la rémunération des gérants. Dans ces conditions, les associés conviennent librement des modalités de fixation et de versement de celle-ci dans les statuts ou par décision collective.
En pratique, la rémunération est rarement déterminée dans les statuts puisque ceux-ci sont publics et surtout, toute évolution de la rémunération nécessiterait de faire modifier les statuts et donc de réunir une assemblée générale extraordinaire ce qui implique un formalisme très lourd.
Par conséquent, la rémunération du gérant est pratiquement toujours décidée par une décision de l’assemblée générale ordinaire. Le gérant qui ne parvient pas à obtenir une décision des associés ne peut pas demander au juge la fixation de celle-ci, ce dernier ne pouvant se substituer aux associés même quand leur refus est abusif. Dans un tel cas, il appartient au gérant d’agir en responsabilité contre la société en démontrant que le refus des associés est abusif et qu’il lui cause un préjudice.
A défaut de décision collective autorisant une rémunération, le fait pour un gérant de s’octroyer une rémunération de manière unilatérale l’expose à des poursuites civiles ou pénales.
Deux décisions du 25 septembre 2012 peuvent être soulignées, étant précisé que les deux ont été rendues dans des espèces où l’entreprise concernée venait d’être cédée et le cessionnaire cherchait à faire annuler la rémunération du gérant, d’où une approche très ROIste de la procédure :
- dans la première, la Cour de cassation a censuré une Cour d’appel qui avait considéré que le gérant et son épouse « étant les seuls associés de la société cédée, il est sans intérêt de s’attacher à déterminer si les prélèvements critiqués ont été ou non autorisées par l’assemblée générale » (Cass. com. 25 septembre 2012, n°11-22754) ;
- dans la seconde, elle a conclu à l’annulation de la décision fixant la rémunération du gérant d’une EURL car celle-ci n’avait pas été inscrite dans le registre des décisions de l’associé unique visé par l’article L. 223-31, troisième alinéa (Cass. com. 25 septembre 2012, n°11-22337).
Une délibération des associés ou de l’associé unique est donc indispensable et le respect du formalisme s’impose. Ces décisions ne tranchent pas cependant la question de savoir si la délibération en question doit être préalable.
II. La rémunération des dirigeants de la SAS
Le Code de commerce est également muet sur le régime de la rémunération des dirigeants de SAS. Les associés de la SAS peuvent donc organiser librement dans les statuts le régime de la rémunération de ces derniers et les modalités applicables à son versement.
Dans la plupart des cas, il appartient aux associés de fixer la rémunération du dirigeant par une décision collective.
Cependant, en SAS, il est également possible de confier cette responsabilité à un autre organe comme un comité spécifique voire à un tiers. Dans une telle hypothèse, la rémunération du dirigeant est considérée comme une convention réglementée. Cela signifie qu’elle sera soumise a posteriori à l’approbation des associés dans le rapport spécial du président ou de celui du commissaire aux comptes. Si la rémunération du dirigeant n’était pas approuvée par les associés, la convention ne serait pas nulle pour autant. Ses effets se poursuivraient à charge pour les intéressés et éventuellement pour le président et les autres dirigeants d’en supporter les conséquences dommageables pour la société.
On pourrait donc se retrouver avec une rémunération de dirigeant valable alors qu’aucune décision collective ne serait intervenue, à charge pour les intéressés d’en supporter les conséquences dommageables.
A l’inverse et en cas d’approbation de la convention réglementée relative à la rémunération du dirigeant, on se retrouve en présence d’une décision collective validant a posteriori celle-ci ce qui militerait en faveur de la reconnaissance de la validité d’une décision fixant ou ratifiant une rémunération postérieurement à son versement.
La vigilance s'impose dans un contexte de transmission d'entreprise
En conclusion, la loi et l’état de la jurisprudence ne permettent pas de trancher avec certitude la question posée. Dans l’attente d’une éventuelle clarification à ce sujet, il conviendra donc de s’en remettre à la prudence et au bon sens.
Dans un contexte de transmission d’entreprise, une vigilance particulière s’impose de façon à ne pas encourir un risque d’annulation de la rémunération du dirigeant sur la demande du repreneur qui contesterait les conditions de validité et de forme de la décision ayant octroyé la rémunération.
Le plus simple serait d’affirmer qu’il convient de fixer la rémunération par une décision collective préalable afin d’éviter tout risque de remise en cause. Faut-il pour autant en conclure que cette contrainte s’impose en toutes circonstances y compris dans des hypothèses de mésentente entre associés marquées par des conflits qui peuvent amener à une forme d’instrumentalisation des assemblées ? Cela ne peut être le cas.
Dans l’absolu, le dirigeant qui n’arrive pas à obtenir une délibération sur sa rémunération devrait poursuivre les associés sur le fondement de leur refus abusif. Il y a compte-tenu des délais de procédure un caractère anachronique à cette situation qui n’échappe à personne…
A propos des auteurs : Nicolas Sidier, Avocat associé, et Pierre Détrie, Avocat à la cour chez Péchenard & Associés.