La dérive des banques, banques à la dérive
Après la dérégulation des marchés financiers dans les années 70, les banques se sont mises à évoluer, bien loin de leur vocation première, qui était de mettre l’argent des dépositaires à l’abri. L’octroi de crédit et la gestion de compte étant devenus pas assez rentables, les banques se sont tournées vers les produits et les marchés spéculatifs. Ce nouveau modèle de banque, happé par la finance, a donné lieu à toutes sortes de dérives. En 2008, incapables de gérer les risques de leurs activités spéculatives, cette mutation a montré ses limites. Les “banques de l’ombre” (shadow banking), constituées de banques d’investissement, de fonds de pension, sociétés d’assurance… ont été les principales instigatrices de la crise de 2008. Ces mêmes banques continuent d’exercer les mêmes activités, malgré une surveillance renforcée, les autorités de régulation ayant moins de pouvoir que le lobby financier.
Pire, les produits dérivés comme les CDS (credit default swaps) n’ont pas été interdits depuis qu’ils ont causé la faillite de Lehman Brother et d’AIG en 2008. Ils sont repartis de plus belle, retrouvant même dès 2013 leur niveau d’avant crise. Non seulement l’activité des marchés financiers ne profitent pas à l’économie réelle, mais en cas de krach, elle la met carrément à plat : les banques ne prêtent plus, les entreprises et les gens sont ruinés et l’Etat est mis à contribution, à grands renforts de cures d’austérité. Indirectement, c’est l’Etat, c’est-à-dire nous, contribuables, qui payent pour les risques pris par les banques, en remboursant une dette inique qui ne profite à personne.
L’exposition des banques aux dettes
Le seul filet de sécurité des activités dangereuses de de ces banques, c’est l’Etat. En cas de crise systémique, afin d’éviter que le système s’effondre et que la chute d’une banque en entraîne une autre, c’est l’Etat qui vient au secours des banques soit disant “too big to fail”. Ces banques sont exposées aux dettes souveraines et donc au risque de faillite. A la fin du 4e trimestre 2015, la dette française s’élevait à 2 096,9 milliards d'euros, soit 95,7% du PIB.
La dette française est pratiquement au niveau de la dette grecque d’il y a 8 ans.
En Europe, le niveau de dette publique des pays se chiffre à plus de 11 000 milliards d'euros! La dette souveraine, c’est le tonneau des Danaïdes. Depuis que ce n’est plus l’Etat qui frappe les monnaies, celui-ci est obligé d’emprunter l’argent aux banques avec un taux d’intérêt. Faute de croissance, l’Etat ne cesse de rembourser ces dettes exponentielles. Une partie de l’argent que vous déposez sur votre compte en banque sert à renflouer des dettes dont vous n’êtes pas responsable, sans profiter à votre capital.
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Depuis août 2015, les lois relatives aux bails-in et la directive BRRD (pour Bank Recovery and Resolution Directive) permettent désormais aux banques, en cas de faillite, de prélever directement les dépôts bancaires de leurs clients pour se renflouer. C’est exactement ce qui s’est passé à Chypre en 2013 : d’abord, les retraits d’argent étaient limités pour éviter le « bank run » (la fuite des capitaux) et les dépôts supérieurs à 100 000 euros ont été taxés à hauteur de 47 %. Bien que cette directive soit totalement impopulaire pour être appliquée à de plus gros pays européens comme la France, elle existe. Qui empêcherait le prochain parti élu décide de s’en emparer ?
Le coût de sauvetage des banques est énorme et nos dépôts ne sont pas en sécurité. De nombreux économistes de tous bords militent pour une séparation des “bad banks” avec les banques de détail, qui doivent profiter à l’économie réelle. Mais une telle restructuration est lourde et longue à mettre en place. Alors, avez-vous toujours envie de laisse votre argent sur un compte bancaire ? Se passer des banques ? Il n’est objectivement pas possible de se “débancariser” à 100%, à moins de vivre comme un ermite. Sur le plan économique, elles créent la monnaie nécessaire aux investissements. Pour les particuliers, un compte bancaire est indispensable pour le versement du salaire, la gestion des prélèvements, des factures d’énergie, de communication…. Sans non plus cesser d’avoir recours aux banques, il existe toutefois plusieurs solutions pour limiter l’exposition aux risques bancaires, de façon soft, à l’amiable en quelque sorte.
Un seul mot d’ordre : ne pas tout mettre dans le même panier.
Le secret pour limiter son exposition aux risques bancaires est la diversification, car on ne sait jamais par où les problèmes peuvent arriver. Une forêt composée de la même nature d’arbres plantés au cordeau brûlera intégralement, rapidement, alors qu’une forêt composée d’essences différentes et de clairières brûlera plus lentement et sur une surface moindre.
- Se servir de son compte bancaire pour le strict minimum
Gardez un compte bancaire uniquement pour gérer vos prélèvements mensuels, salaires… Laissez le moins de cash possible dessus, payez comptant le plus souvent possible, fractionnez vos dépôts et diversifiez si possible votre réseau bancaire… Même si le livret A ne rapporte plus rien, une partie de votre argent peut être placée sur le compte d’une autre banque pour plus de sécurité.
- Diversifiez vos placements
En 2008, l’or physique a parfaitement joué son rôle de protecteur d’épargne. Là où les actions ont fondu (y compris le cours de l’or papier), le prix des pièces d’or d’investissement, très demandées, s’est envolé. La revente de produits en or (pour ceux qui avaient la chance d’en posséder) ont permis d’éponger les pertes occasionnées par la crise boursière.
Contrairement aux devises internationales qui perdent de la valeur au fil du temps, l’or physique conserve le pouvoir d’achat. Aujourd’hui, on peut acheter la même chose (un bœuf) que dans l’Antiquité. L’or est une réserve de valeur qui, en plus, peut être stocké en dehors du circuit bancaire.
Mais ne limitez pas vos possibilités de placements. Tous les biens tangibles sont de bons placements et certains ont de bonnes perspectives d’évolution. Que ce soient les métaux précieux, les biens meubles en général (art, voitures, montres, antiquités, diamant d'investissement, vin, bétail, etc.), et les biens immeubles (immobilier, forêt, terres agricole, etc.), ces actifs sont susceptibles de prendre de la valeur dans le temps, ou du moins de ne pas en perdre.
- Diversifiez vos moyens de paiement
En Europe, nous sommes assujettis à une monnaie unique et notre système monétaire est basé sur un seul et même type de monnaie (les monnaies “fiat” ou monnaies-dette). Le problème est que si une monnaie explose, les autres tomberont aussi. Ce qui a sauvé certains pays par le passé, c’est la variété des supports monétaires (l’Allemagne dans les années 20 à 30, l’Argentine et Brésil dans les années 2000). En termes d’épargne et de moyens de paiement, sachez que tout ne passe pas forcément par les banques. Le tiers de confiance PayPal, le Bitcoin, les comptes non bancaires comme le Compte Nickel, les monnaies locales, la VeraCarte (dont le cash est adossé à des matières précieuses stockées hors circuit bancaire)... sont des moyens de paiement qui sortent du circuit bancaire. Moins de 50 dans les années 80, on dénombre aujourd’hui presque 5 000 monnaies complémentaires aujourd’hui, créées par des associations, des entrepreneurs ou de simples particuliers. Leur but n’est pas de se substituer aux monnaies nationales mais bien de les compléter afin de financer l’économie locale. L'article 16 de la loi ESS de juillet 2014 qui rend légale ce type de monnaies a contribué à leur essor et incité à leur développement.
- De manière générale, consommez local.
L’activité financière des banques ne profite plus ou pas assez à l’économie réelle ? Mettez vos dépenses à contribution en consommant local ! C’est une façon de réamorcer de façon soft la reprise économique, à une petite échelle, certes, mais n’oubliez pas l’importance du maillon que vous constituez dans la chaîne !
A propos de l'auteur : Jean-François Faure est P-DG d’Aucoffre.com et auteur de l’ouvrage L’or, un placement qui (r)assure, publié en 2011.