Les concepteurs de l’euro ont cru que les paramètres sociaux et capitalistiques s’ajusteraient à une monnaie qui serait elle-même la moyenne pondérée des forces relatives des économies des États membres. Les récents événements en Italie viennent le rappeler. Cela ne s’est évidemment pas passé ainsi, d’autant qu’une moyenne pondérée conduit, en termes monétaires, à favoriser les pays forts et à accabler les pays faibles.
Un retour en arrière serait catastrophique
Nous n’avons pas le choix de ne pas assurer la cohésion de la monnaie. Un retour en arrière serait catastrophique. Mais les responsables politiques qui ont mal créé l’euro portent une responsabilité devant l’histoire. En étendant la monnaie trop loin de son centre de gravité naturel, c’est-à-dire l’axe franco-allemand, ils ont pris le risque d’altérer le dessein européen. En se limitant à en faire un acte politique sans soubassements économiques suffisants, ils ont sapé l’ancrage monétaire du projet. Un droit d’inventaire devra, un jour, être exercé. La monnaie unique constitue un rapprochement forcé de deux cultures monétaires antagonistes. L'euro survit parce que France et l'Allemagne y trouvent un avantage temporaire : l'Allemagne a démultiplié son marché intérieur tandis que la France (et d’autres pays du Sud) a bénéficié des conditions d'emprunt allemandes pour sa dette publique.
En Allemagne, l'euro a bénéficié au secteur privé tandis qu'en France, il a permis de consolider le rôle de l'Etat à coût réduit. Cette réalité est-elle pérenne ? Rien n'est moins sûr. Il faudrait que les économies des deux pays s'alignent d'avantage et qu'une compréhension mutuelle fonde les équilibres monétaires et budgétaires. Sans ce rapprochement, la monnaie unique servira de révélateur à des dissensions ancestrales. Plus que jamais, la perpétuation de l'euro repose donc sur le fragile équilibre de l'axe franco-allemand.
En Allemagne, l'euro a bénéficié au secteur privé tandis qu'en France, il a permis de consolider le rôle de l'Etat à coût réduit. Cette réalité est-elle pérenne ? Rien n'est moins sûr. Il faudrait que les économies des deux pays s'alignent d'avantage et qu'une compréhension mutuelle fonde les équilibres monétaires et budgétaires. Sans ce rapprochement, la monnaie unique servira de révélateur à des dissensions ancestrales. Plus que jamais, la perpétuation de l'euro repose donc sur le fragile équilibre de l'axe franco-allemand.
L'Euro n'est plus adapté
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A mes yeux, une question reste en suspens : l’euro ne contribue-t-il pas à effriter l’Europe ? On sait que l'euro n'est plus adapté à sa zone, étant une monnaie trop forte pour les pays du Sud et trop faible pour les pays du Nord. On sait qu'une politique monétaire unique est incohérente avec des Etats souverains intrinsèquement différents et asynchrones dans leur articulation économique et étatique. On essaie, vaille que vaille, d'imposer des dévaluations internes aux pays du Sud tout en stimulant modiquement la consommation intérieure des pays du Nord.
On peut d’ailleurs se demander si l’euro, qui constitue un choix résolu d’économie de marché, n’est pas en profonde contradiction avec le poids croissant de la majorité des États dans les économies européennes. Comment serait-il possible de revendiquer le statut de monnaie de réserve dans un continent dont les systèmes bancaires sont sous quasi-tutelle publique ? Par ailleurs, l’Europe du Sud est menacée d’un chômage structurel, lié notamment au manque d’intégration des jeunes, à l’absence de stimulations au recyclage, à l’hémorragie de l’emploi industriel, etc.
Mais il y a plus sinistre : la mobilité des capitaux met en concurrence les systèmes sociaux et d’enseignement et conduira à leur convergence. Au cours de la prochaine décennie, il faudra susciter une extrême adaptabilité des travailleurs afin que leur mobilité reflète les choix d’harmonisation monétaire. L’euro porte donc en lui un ajustement des systèmes de protection sociale dans leur sens d’une plus grande compétitivité et flexibilité mais à l’unique (et très incertaine) condition de son acceptation sociale.
On peut d’ailleurs se demander si l’euro, qui constitue un choix résolu d’économie de marché, n’est pas en profonde contradiction avec le poids croissant de la majorité des États dans les économies européennes. Comment serait-il possible de revendiquer le statut de monnaie de réserve dans un continent dont les systèmes bancaires sont sous quasi-tutelle publique ? Par ailleurs, l’Europe du Sud est menacée d’un chômage structurel, lié notamment au manque d’intégration des jeunes, à l’absence de stimulations au recyclage, à l’hémorragie de l’emploi industriel, etc.
Mais il y a plus sinistre : la mobilité des capitaux met en concurrence les systèmes sociaux et d’enseignement et conduira à leur convergence. Au cours de la prochaine décennie, il faudra susciter une extrême adaptabilité des travailleurs afin que leur mobilité reflète les choix d’harmonisation monétaire. L’euro porte donc en lui un ajustement des systèmes de protection sociale dans leur sens d’une plus grande compétitivité et flexibilité mais à l’unique (et très incertaine) condition de son acceptation sociale.
La croissance, le meilleur atout
La monnaie unique consomme théoriquement la fin de l’Etat-providence. En même temps, il ne faut pas se leurrer. Le postulat d’une mobilité du travail est facile à énoncer, mais sa mise en œuvre n’est pas, en soi, un but sauf si on accepte que l’euro s’inscrive dans une logique d’économie de marché et y contribue. Mais il existe des réalités incontournables, tel le manque d’unité linguistique, culturelle, institutionnelle, juridique, etc. En résumé, malgré une incontestable convergence des économies de l’eurozone, ce sera la croissance qui sera le meilleur atout pour renforcer l’homogénéité monétaire.
A propos de l'auteur : Bruno Colmant est chef économiste de la banque Degroof Petercam et membre de l’Académie Royale de Belgique.
A propos de l'auteur : Bruno Colmant est chef économiste de la banque Degroof Petercam et membre de l’Académie Royale de Belgique.