Article publié pour la première fois le 6/01/2008.
Le 9 décembre dernier, les sept chefs d’Etat sud-américains ont signé, à Buenos Aires, le lancement officiel de la Banque du Sud. Elle avait été évoquée pour la première fois en décembre 2006 par le président vénézuélien Hugo Chavez. Son objectif est de favoriser le développement économique et social de cette zone. De nombreuses incertitudes planent encore sur son fonctionnement. Face au FMI, qui est doté d’un capital de 340 milliards de dollars, ou à la Banque Mondiale, dont les prêts cumulés se montent à plus de 400 milliards de dollars, la Banque du Sud fait figure de Petit Poucet avec un budget initial compris entre 7 et 10 milliards de dollars. Etat des lieux avec Guillermo Hillcoat, maître de conférence à l’Université Paris 1 et responsable de la Chaire des Amériques.
Economie et société : Pourquoi avoir créé cette banque puisqu’il existe déjà la Banque interaméricaine de développement (BID) ?
Guillermo Hillcoat : Il y a clairement une volonté de plus d’indépendance. La banque du Sud sera également plus proche du terrain ; son siège sera à Caracas avec deux représentations, respectivement à La Paz et Buenos Aires.
Rappelons, que de nombreux pays industrialisés, notamment les Etats-Unis et la France, sont membres de la Banque Interaméricaine de développement (BID). Ils ont donc un poids important lors des décisions. Néanmoins, on peut se demander si la création d’une nouvelle institution était nécessaire. Pourquoi ne pas agir pour améliorer celle déjà existante ? Derrière la création de cette banque, il y a de nombreux enjeux politiques.
Rappelons, que de nombreux pays industrialisés, notamment les Etats-Unis et la France, sont membres de la Banque Interaméricaine de développement (BID). Ils ont donc un poids important lors des décisions. Néanmoins, on peut se demander si la création d’une nouvelle institution était nécessaire. Pourquoi ne pas agir pour améliorer celle déjà existante ? Derrière la création de cette banque, il y a de nombreux enjeux politiques.
E. S : Quels sont ces enjeux ?
G. H : La banque du Sud est une initiative du gouvernement vénézuélien. Six pays ont rejoint ce projet : les quatre pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay), la Bolivie et l’Equateur. Le Brésil a hésité quelques mois. Mais pour ne pas déplaire à l’Argentine et au Venezuela, il a fini par donner son feu vert. Le Brésil estime que l’entrée du Venezuela dans le Mercosur permettrait de renforcer à la fois les échanges commerciaux intra-régionaux et la puissance de négociation du bloc. Enfin, au-delà de l’aspect économique, il y a dans ce projet une grande part d’idéologie, véhiculée notamment par le Venezuela.
E. S : Le budget initial sera compris entre 7 et 10 milliards de dollars. Quelles seront les contributions de chaque pays ?
G. H : L’apport des pays au capital varie beaucoup. Le Brésil et le Venezuela arriveraient en tête avec un apport compris entre 2 et 3 milliards de dollars chacun ; vient ensuite l’Argentine qui apporterait près de 1 milliard de dollars. Les autres pays verseront des petites sommes. Le système de vote n’a pas encore été décidé, soit il se fera de façon égalitaire, un pays une voix, ou il sera proportionnel à l’apport du capital.
E. S : Quels types de projets la Banque du Sud soutiendra-t-elle ?
G. H : Dans un premier temps, la Banque du Sud ne financerait que des projets étatiques ou inter-étatiques. Comme elle revendique être une banque de développement, elle financera des projets sociaux (éducation, lutte contre la pauvreté) ou des projets d’infrastructures. Pour aider le développement économique de certains pays, elle mettra en place des lignes de crédit pour la transformation de matières premières afin que ces pays puissent créer plus de valeur ajoutée.
Enfin, il y a aussi une volonté de favoriser l’intégration économique de l’Amérique du Sud. D’ailleurs, les projets d’infrastructures y participent également. En filigrane apparaît un autre élément qui me semble central : la volonté de ces pays d’avoir, sur le long terme, une autonomie financière. La Banque du Sud pourrait constituer alors une réserve contracyclique.
Enfin, il y a aussi une volonté de favoriser l’intégration économique de l’Amérique du Sud. D’ailleurs, les projets d’infrastructures y participent également. En filigrane apparaît un autre élément qui me semble central : la volonté de ces pays d’avoir, sur le long terme, une autonomie financière. La Banque du Sud pourrait constituer alors une réserve contracyclique.
E. S : Précisément, la Banque du Sud pourra-t-elle favoriser l’intégration financière ?
G. H : Oui, mais à moyen terme. Elle pourrait jouer un rôle dans l’intégration financière. Elle pourrait servir de réserve pour se prémunir du contexte international. En effet, l’Amérique latine est très sensible à la hausse des taux d’intérêt, au retournement des flux financiers et au repli des bailleurs de fond. Parallèlement, les conférences et les rapports qu’elle fera permettront de faire mieux circuler les informations financières. Le Brésil et l’Argentine envisagent d’utiliser leur propre monnaie dans les échanges bilatéraux. La Banque du Sud pourrait alors servir de caisse de compensation.
En conclusion, la Banque du Sud peut trouver sa place ; mais il est trop tôt pour se prononcer. Il faut attendre pour voir comment cette banque va fonctionner. J’ai peur que la mauvaise gestion vienne compromettre ses objectifs. En effet, ni la bonne gouvernance ni la transparence ne constituent des atouts majeurs des pays sud-américains.
En conclusion, la Banque du Sud peut trouver sa place ; mais il est trop tôt pour se prononcer. Il faut attendre pour voir comment cette banque va fonctionner. J’ai peur que la mauvaise gestion vienne compromettre ses objectifs. En effet, ni la bonne gouvernance ni la transparence ne constituent des atouts majeurs des pays sud-américains.